Droit de la preuve et des obligations - partie 2

Droit de la preuve et des obligations - partie 2 - M2 notariat

Droit de la preuve et des obligations - partie 2 - M2 notariat


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Karten 80
Sprache Français
Kategorie Recht
Stufe Universität
Erstellt / Aktualisiert 13.12.2025 / 13.12.2025
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S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - intro 

L’article 1163 du Code civil interdit la fixation unilatérale de la prestation.

L’interdiction de la fixation unilatérale de la prestation par une partie a posé problème s’agissant de cette prestation particulière qu’est le prix. En matière de vente, l’article 1591 du Code civil impose, spécialement, que le prix soit déterminé et désigné par les parties au moment de la formation du contrat.

Assouplissant sa position, la Cour de cassation a accepté que le prix d’une vente puisse être désigné ultérieurement, mais uniquement si la détermination du prix ne dépend pas d’un accord de volontés des parties ou, a fortiori, de la volonté d’un seul.

Par exemple, le prix peut être déterminé ultérieurement par un tiers ou par une méthode de calcul mathématique reposant sur des éléments objectifs.

Or, la jurisprudence antérieure à la réforme avait appliqué rigoureusement cette solution, au- delà du domaine de la vente, notamment dans les contrats-cadre.

On verra quelle a été l’évolution de la jurisprudence antérieure (§1), avant de s’intéresser aux articles 1164 et 1165 issus de la réforme du droit des obligations (§2).

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - l'évolution de la jp antérieure à la réforme : 

Type de contrat problématiques : 

Les contrats qui posaient problème prenaient la forme de contrats-cadre, c’est-à-dire de contrats qui fixent le cadre des relations des parties, et qui sont complétés ultérieurement par des contrats d’application.

La jurisprudence s’était développée dans le domaine des pompistes de marque.

Le pompiste, entrepreneur indépendant, passait un accord avec une société pétrolière. Le contrat cadre définissait les relations des parties : la société pétrolière s’engageait à fournir le matériel, les cuves, l’enseigne… tandis que le pompiste s’engageait, pour sa part, à s’approvisionner exclusivement chez le pétrolier en question.

Le problème est qu’il était, et qu’il est toujours, impossible de fixer le prix de l’essence une fois pour toute lors de la conclusion du contrat-cadre. Ce prix ne pouvait être fixé que lors des livraisons successives, en raison de la volatilité des cours du pétrole, du prix de l’acheminent du brut et de son raffinage.

Il était alors prévu, dans ces contrats-cadre, que le prix de l’essence serait fixé par référence au « prix catalogue » de la Société pétrolière, manière pudique de dire que le prix serait fixé unilatéralement par la Société pétrolière, celle-ci appliquant sa marge sur les coûts.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - l'évolution de la jp antérieure à la réforme : 

Type de contrat problématiques - positions de la CC 

Autrement dit, le créancier du prix fixait unilatéralement le prix. Pendant 25 ans (de 70 à 95), la Cour de cassation a donc annulé ces contrats pour indétermination du prix, dès lors que le pompiste le réclamait.

D’abord, l’annulation a été prononcée sur le fondement de l’article 1591 relatif à la vente. Ce fondement était critiqué, car les contrats en question n’étaient pas des ventes au sens strict.

Puis, l’annulation a été prononcée sur le fondement plus général de l’ancien article 1129, alinéa 2 du Code civil.

La jurisprudence estimait alors que la détermination du prix ne devait pas dépendre de la volonté des parties, et a fortiori, de l’une d’entre elles, quel que soit le type de contrat.

Il y avait donc une grande insécurité juridique, tous ces contrats étant potentiellement annulables.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - l'évolution de la jp antérieure à la réforme : 

Type de contrat problématiques - positions de la CC

Pourquoi les actions en annulation : 

NB : Pourquoi les actions en annulation ?

Parce que les contrats-cadre prévoyaient que si le pompiste souhaitait changer de réseau, il devait, notamment, restituer les cuves. Or, les travaux et l’acheminement de ces cuves coûtaient très cher. En outre, en cas de non-restitution des cuves, des clauses pénales sanctionnaient le pompiste. Or, avant la loi du 9 juillet 1975, le juge n’avait pas le pouvoir de modérer le montant de la clause.

Ces clauses avaient donc pour but d’empêcher le pompiste de résilier pour faire jouer la concurrence.

Toujours est-il que la protection des pompistes n’a eu de cesse d’augmenter : interdiction des clauses de restitution des cuves par l’ancêtre de l’autorité des marchés financiers ; modération de la clause pénale par le juge etc.

Ces évolutions ont permis le revirement de la Cour de cassation, l’annulation du contrat n’étant plus utile à la protection du pompiste.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - l'évolution de la jp antérieure à la réforme : 

Type de contrat problématiques - revirement de JP de la CC : 

La Cour de cassation a donc effectué un revirement de jurisprudence, qui a inauguré la position nouvelle de la jurisprudence s’agissant de la détermination du prix dans les contrats-cadre.

Par plusieurs arrêts d’assemblée plénière du 1er décembre 1995, la Cour de cassation avait décidé que l’ancien article 1129 du Code civil n’était plus applicable aux contrats-cadre, et aux contrats de distribution.

Dans ces contrats, la détermination du prix n’était plus considérée comme une condition de validité. C’est dire que la fixation unilatérale du prix, ou la référence à un prix catalogue n’était plus susceptible d’entraîner la nullité du contrat.

Un temps limité au contrat-cadre, la solution avait été étendue, notamment par un arrêt du 12 mai 2004, à toutes les conventions ayant pour objet un prix, dès lors au moins qu’un textespécial n’érige pas la détermination du prix en condition de validité.

NB : C’est le cas de l’article 1591 du Code civil. C’est dire qu’en matière de vente simple, le prix doit toujours être déterminé, ou au moins déterminable ultérieurement par le biais de mécanismes n’impliquant plus la volonté des parties.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - l'évolution de la jp antérieure à la réforme : 

Type de contrat problématiques - pour résumer (ant réforme 2016) : 

Pour résumer, sous l’empire de l’ancienne version du Code civil, l’exigence de détermination de la prestation n’était plus applicable au prix, dès lors qu’il n’existait aucun texte spécial.

Est-ce à dire que, par ces arrêts de 1995, la Cour de cassation avait abandonné le cocontractant à l’arbitraire du détenteur du pouvoir unilatéral ?

Non, car en vérité la Cour de cassation avait fait glisser son contrôle de la formation vers l’exécution du contrat. Si la fixation unilatérale était interdite à l’origine, c’était parce que le contractant en situation de force risquait d’abuser de son pouvoir.

Ainsi, plutôt que d’interdire la fixation unilatérale du prix, la Haute juridiction avait décidé, dans ses arrêts de 1995, de la contrôler. Ainsi, la Cour de cassation avait prévu que l’abus dans la fixation du prix entraînerait soit la résiliation, soit une indemnisation de la victime.

C’est dire que la Cour de cassation veillait à ce que le déséquilibre des pouvoirs n’entraîne pas un déséquilibre abusif du contrat.

NB : on voit que le juge ne s’était pas arrogé le pouvoir de modifier le prix. La Cour de cassation ne disait pas que le juge pouvait baisser le prix fixé à un niveau trop élevé. Il y aurait eu une atteinte trop frontale à notre conception du contrat qui postule que la convention est la chose des parties et que le juge ne peut la refaire.

La Cour de cassation s’était donc contentée d’autoriser le juge à indemniser le cocontractant lésé en condamnant le maître du prix à lui verser une somme. d'argent.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - la solution des articles 1164 à 1165 - le domaine de la fixation unilatérale du prix : 

Maintient ou modification du droit antérieur ? 

À l’inverse du droit positif antérieur, la réforme du droit des contrats n’a pas autorisé, en principe, la fixation unilatérale du prix. La réforme a donc modifié le droit positif.

En effet, l’article 1164 du Code civil n’autorise la fixation unilatérale du prix que dans les contrats cadre, sans plus mentionner les contrats à exécution successive. Encore faut-il d’ailleurs que la fixation unilatérale ait été convenue, c’est-à-dire prévue dans le contrat par une stiupulation.

En outre, l’article 1165 du Code civil permet, dans les contrats de prestation de service, la fixation unilatérale du prix, mais uniquement par son créancier. En revanche, dans ce type de contrat, la fixation unilatérale du prix est toujours possible, même si elle n’a pas été prévue.

Il s’agit de la consécration de la jurisprudence antérieure qui admettait que la détermination du prix n’était pas une condition de validité dans les contrats d’entreprise1, le coût d’une prestation de faire étant parfois difficilement évaluable avant qu’elle soit accomplie.

La volonté du législateur de circonscrire le périmètre de la fixation unilatérale du prix dans un domaine précis est donc patente.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - la solution des articles 1164 à 1165 - le domaine de la fixation unilatérale du prix : 

Défauts du système : 

Il n’en reste pas moins que le défaut majeur de ce système est de faire de la qualification du contrat un enjeu fondamental, la possibilité d’une fixation unilatérale dépendant du type de contrat dans laquelle elle est prévue.

Or, si le législateur a fait l’effort de définir ce qu’est un contrat cadre, il n’a pas pris la même précaution s’agissant des « contrats de prestation de service ». À l’évidence, c’est le contrat d’entreprise qui a été visé par le législateur (prestation contre prix), celui-ci ayant sans doute souhaité consacrer la jurisprudence antérieure sur ce point.

Mais quid des contrats mixtes qui prévoient à la fois un transfert de propriété et une prestation de service, comme l’entretien du matériel acheté ?

À cette difficulté, la jurisprudence en a ajouté une seconde. Pour que les articles en question puissent s’appliquer, encore faut-il que, pour le type de contrat conclu, il n’existe pas une règle spéciale qui exclut la fixation unilatérale du prix. Or, la Cour de cassation a fait une application très compréhensive de la règle specialia generalibus derogant dans un arrêt de la chambre commerciale du 20 septembre 2023 (n° 21-25.386). Elle a considéré qu’un article issu

- d’un décret (alors que les articles 1164 et 1165 ont été introduits par une ordonnance valant loi) ;

- antérieur à l’ordonnance de 2016 ;

- qui se contente d’énoncer de manière générique que les contrats de l’expert-comptable doivent être « écrits » et définir « leur mission » en « précisant les droits et obligations de chacune des parties »

suffisait à déroger à l’article 1165 et à interdire la fixation unilatérale du prix !

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - la solution des articles 1164 à 1165 - le rôle du juge : 

Le législateur a renoncé à étendre le rôle du juge dans les contrats cadre en lui donnant le pouvoir de réviser le prix fixé abusivement dans les contrats d’application.

La Cour de cassation, qui s’était refusée à donner un blanc-seing au « maître du prix » dans ses arrêts de 1995, avait en effet permis aux juges du fond de sanctionner le prix abusif. Ces derniers pouvaient, face à un prix abusif, résilier le contrat ou indemniser le débiteur ; ils ne pouvaient donc pas réviser directement le prix.

L’article 1164, alinéa 2 du Code civil consacre donc le droit antérieur puisque la partie lésée ne peut demander que l’octroi de dommages et intérêts ou, « le cas échéant », la résolution du contrat.

Dans les « contrats de prestation de service », seul le créancier a le pouvoir de fixer unilatéralement le prix de la prestation. En outre, à la différence des contrats cadre, ce mode de fixation du prix n’a pas à être « convenu ». Il est prévu automatiquement, dès lors que les parties ne se seront pas accordées sur le prix, avant l’exécution de la prestation.

À l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018, le parlement a légèrement modifié l’article 1165 en permettant au juge de résoudre le contrat, et non pas seulement d’indemniser la victime. La version originelle de l’article 1165 ne permettait pas, en effet, une telle résolution, ce qui était regrettable.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - la solution des articles 1164 à 1165 - le rôle du juge : 

NB : Quid de la faculté des juges de modifier les honoraires ?

Avant la réforme, la Cour de cassation avait octroyé aux juges la possibilité de modifier le montant des honoraires fixés unilatéralement ou forfaitairement par le créancier dans certains contrats, tels le mandat2 et, plus largement, des professionnels libéraux3, payés par des honoraires.

Cette jurisprudence pourrait être brisée4 par la réforme.

En effet, en cas de fixation unilatérale après la formation du contrat, l’article 1165 du Code civil ne permet au juge que d’indemniser la victime et non pas de modifier le prix.

Par ailleurs, si l’honoraire est fixé forfaitairement lors de la conclusion du contrat, l’article 1168 du Code civil qui précise que l’équilibre des prestations n’est pas une condition de validité, semble interdire toute intervention judiciaire.

Il faudra toutefois attendre une décision de la Cour de cassation pour connaître le devenir de la jurisprudence relative à l’honoraire (sauf lorsqu’il existe un texte spécial, comme pour les contrats qui relèvent de l’article L. 442-1 C. com. Ce texte permet en effet un contrôle du prix abusif par le biais de la notion de clause abusive). Attention, en droit commun (art. 1171) et en droit de la consommation (art. L. 212-1 C. cons.), le contrôle du prix n’est pas possible sur le fondement de la notion de clause abusive.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - la solution des articles 1164 à 1165 - le rôle du juge : 

Conclusion : 

Conclusion : la conception traditionnelle du rôle du juge en droit contractuel français est finalement confortée par les articles 1164 et 1165 du Code civil. Classiquement, on considère en effet que le juge n’a pas le pouvoir de corriger le contenu de la loi des parties.

En d’autres termes, il ne peut pénétrer dans la sphère contractuelle pour en modifier la teneur.

De deux choses l’une alors, soit le contrat ne respecte pas les conditions de validité imposées par la loi, et il est nul en tout ou partie, soit il est valable et il s’impose aux contractants, comme au juge.

Les articles 1164 et 1165 du Code civil traduisent donc la méfiance traditionnelle de notre ordre juridique à l’endroit du juge judiciaire. Le juge ne peut pas corriger le prix abusif. Même abusif, ce prix devra être payé, car telle est la loi des parties.

En revanche, sans toucher au contenu du contrat lui-même, le juge pourra en corriger les effets néfastes du contrat en octroyant à la partie lésée, à qui un prix abusif a été réclamé, des dommages et intérêts. L’intégrité du contenu du contrat est donc sauve de l’intervention du juge, les sommes dues par chacune des parties devant se compenser.

D’un point de vue symbolique, le parti pris du législateur est donc fort.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat : 

La question de l’équilibre économique recouvre celle de la lésion. La lésion est le préjudice résultant, pour l’une des parties à un contrat, d’un défaut d’équivalence entre l’avantage qu’elle obtient et le sacrifice qu’elle consent.

En principe, la lésion n’est pas sanctionnée. Tant pis si le vendeur a vendu trop peu cher ou si l’acheteur a acheté trop cher.

Toutefois, le Code civil interdit que, dans les contrats conclus à titre onéreux, la contrepartie convenue soit dérisoire ou illusoire, ou qu’une clause vide de sa substance une obligation essentielle.

Si l’on voulait résumer en une phrase, on dirait que les prestations réciproques n’ont pas à être économiquement proportionnelles, pourvu qu’elles ne soient pas inexistantes.

On verra donc d’abord, l’absence de prise en compte de principe de la lésion (§1), avant de voir l’interdiction des contreparties illusoires et dérisoires de l’article 1169 (§2)

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - l'absence de prise en compte de principe de la lésion : 

En droit français, l’impératif de sécurité juridique a primé sur la justice contractuelle.

Aucun texte de portée générale n’exige ainsi l’équilibre économique du contrat. Mieux, l’article 1168 du Code civil énonce que « le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».

On se rappellera aussi que :

- L’obligation d’information de l’article 1112-1 ne porte pas sur la valeur de la prestation ;

- L’erreur sur la valeur est en principe indifférente : art. 1136 du Code civil.

- La dissimulation intentionnelle ne peut être reprochée à un contractant lorsqu’elle concerne la valeur : 1137, al. 3 (issu de la loi de ratification du 20 avril 2018).

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - l'absence de prise en compte de principe de la lésion : 

La lésion n’a donc qu’une influence exceptionnelle en droit positif :

- Les mineurs non émancipés ne peuvent pas, en principe, contracter seuls. Ils n’ont pas la capacité requise. Toutefois, ils peuvent accomplir seuls les actes de la vie courante.

Ces actes ne sont alors pas nuls pour incapacité, mais ils ne sont nuls que s’ils sont lésionnaires.

Autrement dit, le mineur non émancipé qui a accompli un acte de la vie courante peut le faire annuler s’il est déséquilibré à son détriment.

L’article 1149 du Code civil parle de « simple lésion ». Le déséquilibre le plus faible peut ainsi être pris en compte, le déséquilibre en question étant apprécié par le juge.

- De surcroît, les majeurs placés sous sauvegarde de justice peuvent invoquer la simple lésion à propos de tous les contrats qu’ils ont passés (435). Il en va de même des majeurs sous curatelle ou tutelle pour les actes qu’ils étaient en droit de passer sans assistance.

Dans le Code civil, la lésion est prise en compte dans deux hypothèses : la vente d’immeuble (article 1674) et le partage (889).

- S’agissant de la vente d’immeuble, la lésion n’est prise en compte que lorsqu’elle frappe le vendeur, et non l’acheteur. On peut en effet être contraint de vendre, mais rarement d’acheter.

De plus, elle doit être de plus de 7/12 ème. Cela signifie que, pour pouvoir invoquer la lésion, il faut que le vendeur ait reçu moins de 5/12 ème du prix réel.

- S’agissant du partage, le copartageant qui reçoit moins des ¾ de la part à laquelle il avait droit peut invoquer la lésion.

C’est dire que la lésion doit être au moins du quart dans le partage pour être prise en compte.

Tous les cas de lésions prises en compte ne figurent pas dans le Code civil. D’autres ont été ajoutés postérieurement par le législateur ou le juge.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - l'absence de prise en compte de principe de la lésion : 

Conclusion : 

Conclusion : le Code civil ne sanctionne donc pas, en principe, la lésion. Il ne le fait que par exception. La réforme n’a pas changé cet état de fait. On a vu, cependant, que l’abus de dépendance est sanctionné par l’article 1143 s’il a abouti à l’obtention d’un avantage manifestement excessif (séance 3).

Certains auteurs appellent parfois ce mécanisme, non pas « vice d’abus de faiblesse », mais « lésion qualifiée ».

Cet article met en effet en place un mécanisme hybride :

– Moitié vice du consentement puisqu’il faut une contrainte qui pèse sur le consentement de la victime ;

– Moitié lésion puisqu’il faut un abus ayant entraîné un avantage manifestement excessif, c’est-à-dire un déséquilibre.

Pourquoi lésion qualifiée ? Parce qu’il faut une lésion, mais une lésion qui procède d’un vice du consentement. Le simple déséquilibre objectif ne suffit pas, il faut qu’il se double d’un vice du consentement.

Il y là, en quelque sorte, une percée du contrôle de l’équilibre économique en droit positif. C’est la raison pour laquelle les auteurs les plus libéraux n’y sont pas favorables.

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - l'interdiction de la contrepartie illusoire ou dérisoire : 

La cause était la réponse à la question « pourquoi est-ce dû ? ». La cause n’était mentionnée qu’allusivement dans le Code civil antérieur. Elle avait toutefois acquis une importance fondamentale.

En deux mots, on distinguait la cause de l’obligation de la cause du contrat.

- La cause de l’obligation était la cause objective, c’est-à-dire la raison de s’engager qui était toujours la même dans un même type de contrat. Par exemple, dans une vente, la cause de l’obligation de l’acheteur était le paiement du prix, tandis que la cause de l’obligation du vendeur était le transfert de la propriété de la chose.

On contrôlait l’existence de la cause de l’obligation qui ne devait pas être dérisoire ou illusoire.

- La cause du contrat était la cause lointaine, subjective, celle qui variait à l’infini d’un contractant à un autre. Par exemple, un acheteur achète un appartement pour y vivre, pour y loger ses parents, pour en faire un laboratoire de méthamphétamine…

On ne contrôlait pas l’existence de la cause du contrat, tant pis si elle se révélait illusoire, mais on contrôlait sa licéité et sa moralité.

La cause est morte, mais elle a survécu dans ses deux principales fonctions :

- L’interdiction de la cause illusoire ou dérisoire, c’est-à-dire de la contrepartie convenue illusoire ou dérisoire (1169)

- L’interdiction de la cause illicite ou immorale, c’est-à-dire le but illicite ou immoral (1162)

On étudiera le domaine de l’article 1169 (A), avant de préciser ce qu’est une contrepartie illusoire ou dérisoire (B).

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - le domaine de l'article 1169 : 

*D’abord, l’article 1169 du Code civil vise les seuls contrats onéreux, c’est-à-dire ceux dans lesquels « chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure ».

Sont donc évidemment exclus du contrôle les contrats à titre gratuit, libéralités ou contrats de bienfaisance dans lesquels il n’y a pas de contrepartie.

En revanche, le contrôle de la contrepartie convenue s’applique à l’ensemble des contrats à titre onéreux, qu’ils soient synallagmatiques ou unilatéraux, commutatifs ou aléatoires.

*Ensuite, le caractère illusoire ou dérisoire de la contrepartie convenue est apprécié au moment de la formation du contrat, ce qui justifie le prononcé de la nullité.

L’article 1169 s’attache aux contreparties convenues, et non aux prestations effectivement réalisées. Comme la cause de l’obligation auparavant, l’interdiction des contreparties illusoires ou dérisoires est une condition de validité du contrat.

Si la contrepartie a été mal exécutée, ou si elle n’est pas fournie alors qu’elle peut l’être, il faut alors consulter les règles relatives à la sanction de l’inexécution.

Quelle est la nature de la nullité ? Dans la théorie moderne des nullités, adoptée par l’article 1179 du Code civil, la nullité est analysée selon l’intérêt protégé par la règle transgressée. La violation d’un intérêt particulier devrait être sanctionnée par une nullité relative, la nullité absolue étant réservée aux règles protégeant l’intérêt général.

Auparavant, l’absence de cause avait été classée par la jurisprudence parmi les causes de nullité relative5

. Il est probable qu’il en ira de même de la contrepartie illusoire ou dérisoire.

Mais qu’est-ce qu’une contrepartie illusoire ou dérisoire ?

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - le notion de contrepartie illusoire ou dérisoire : 

L’article 1169 n’a pas vocation à sanctionner une lésion, c’est-à-dire un défaut d’équivalence entre les contreparties. Le déséquilibre constaté doit être énorme, supprimer tout intérêt au contrat.

L’article 1169 garantit en effet l’utilité économique du contrat comme la cause de l’obligation auparavant

S4 Le contenu du contrat (I) : le prix et l'équilibre économique - les dispositions relatives au prix - le contrôle de l'équilibre économique du contrat - le notion de contrepartie illusoire ou dérisoire : 

D'une part / d'autre part 

D’une part, est illusoire la contrepartie qui ne serait ni réelle ni sérieuse, dans le prolongement de la fonction classiquement assignée à la cause. Par exemple, avant la réforme, il avait été jugé qu’était nul le contrat de cession d’une clientèle dès lors que cette clientèle était inexistante (Civ. 1, 25 avril 1990). Ou encore qu’était nul le contrat de franchise lorsque le franchiseur ne transmettait aucun savoir-faire original (Com. 10 mai 1994).

Récemment, en 2024 (Com., 23 octobre 2024, n° 23-11.749), la Cour de cassation a donné une nouvelle illustration d’une contrepartie illusoire. En l’espèce, une société avait loué, au près d’un organisme de financement, un véhicule. La société a cessé de payer les loyers et a été placée en liquidation judiciaire. L’organisme de financement a donc réclamé les loyers impayés au dirigeant qui figurait sur le contrat en tant que co-locataire. Le contrat de location a toutefois été annulé car, en tant que dirigeant, ce dernier pouvait parfaitement utiliser le véhicule pour les besoins de son activité professionnelle. Il ne retirait donc, en tant que locataire, aucune contrepartie en échange de l’obligation des loyers.

D’autre part, est dérisoire la contrepartie particulièrement faible, qui confine à l’inexistence.

De nouveau, la jurisprudence antérieure relative à la cause devrait servir de guide.

C’est ainsi, par exemple, que le prix dérisoire devrait toujours permettre d’obtenir la nullité du contrat, lorsque la somme versée est insignifiante.

En revanche, n’est pas dérisoire la contrepartie convenue dans certaines ventes à prix symbolique6.

Songez par exemple à la vente d’un terrain pollué à un euro. La contrepartie ne réside pas tant dans la somme d’un euro que dans le fait que c’est l’acheteur, et non plus le vendeur, qui devra supporter le coût de la dépollution.

En résumé, la contrepartie convenue doit, dans les contrats à titre onéreux, non seulement exister formellement, mais encore ne pas confiner à l’inexistence, « ce peu de choses réputé n’être rien ».

En vérifiant que la contrepartie convenue ne soit ni illusoire ni dérisoire, le juge garantira l’utilité économique du contrat, perpétuant ainsi la fonction anciennement assignée à la cause.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses :

Les clauses du contrat doivent être conformes à l’ordre public. Le Code civil rappelle cette évidence dans l’article 1102 du Code civil et dans l’article 1162 qui précise que les stipulations du contrat doivent être conformes à l’ordre public.

Toutefois, la conformité d’une clause à l’ordre public ne suffit plus à assurer de sa licéité.

Encore faut-il qu’elle ne vide pas l’obligation essentielle du débiteur de sa substance (section 1) et qu’elle ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties (section 2).

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) : 

L’interdiction de ces clauses a commencé dans un arrêt dit Chronopost du 22 octobre 1996 (§1),

que nous verrons en premier puisqu’il a inspiré l’article 1170 du Code civil (§2).

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - la génèse du principe : l'affaire Chronopost - l'arrêt Chronopost - les faits : 

Une Société avait décidé de participer à un appel d’offres. Voulant être certaine que son offre parvienne dans les délais, elle a fait appel aux services de la Société Chronopost qui promet une livraison rapide, en 24 heures généralement.

Malheureusement pour le créancier, les « maîtres du temps », c'est-à-dire la Société Chronopost, ont eu un contretemps, et le colis qui contenait l’offre de la Société n’est pas arrivé dans le délai promis.

Les conséquences étaient particulièrement graves pour la Société Banchereau, le créancier. Son offre étant arrivée hors délai, elle n’a pu participer à l’appel d’offres, et a perdu en conséquence  la chance de le remporter. De surcroît, tout le travail qu’elle avait effectué pour mettre au point cette offre avait été fait en pure perte, en raison du retard imputable à la Société Chronopost.

Le créancier victime de l’inexécution demanda donc des dommages et intérêts à la Société Chronopost pour que son préjudice soit réparé. Celle-ci lui opposa alors la clause limitative de réparation figurant dans le contrat.

Aux termes de cette clause, en cas de retard dans l’inexécution, le montant de la réparation était limité… à la somme qui avait été payée pour l’expédition. En d’autres termes, pour toute réparation, le créancier victime ne pouvait obtenir que le remboursement de la somme qu’il avait payée.

Pour faire sauter le plafond conventionnel, le débat aurait alors pu s’engager sur la gravité de la faute du débiteur, moyen traditionnel pour déplafonner la réparation. Mais ce n’est pas sous cet angle que la Cour de cassation a répondu.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - la génèse du principe : l'affaire Chronopost - l'arrêt Chronopost - les faits : CC sur pourvoi de la CA de renvoi : 

Dans un arrêt du 22 octobre 1996, dit arrêt « Chronopost I », rendu au visa de l’article 1131 du Code civil, relatif à la cause, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé que puisque la Société Chronopost était spécialiste du transport rapide et qu’elle garantissait la fiabilité et la célérité de son service, elle avait manqué à son obligation essentielle en ne livrant pas en temps et en heure.

Ainsi, la clause limitative de réparation qui contredisait la portée de l’engagement pris par la Société Chronopost devait être réputée non écrite.

Quelle est cependant la portée de l’arrêt ?

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - la génèse du principe : l'affaire Chronopost - l'arrêt Chronopost - la portée : 

L’idée qui est à la base de l’arrêt Chronopost était la suivante :

En limitant la réparation due au créancier à presque rien, en cas d’inexécution de l’obligation essentielle du contrat, le débiteur prive le contrat de toute cohérence interne. En effet, on ne peut pas, d’un côté, s’engager à quelque chose, et dire, de l’autre, que si l’on manque à sa parole, le créancier n’aura droit qu’à une réparation ridicule.

Le visa de l’article 1131 du Code civil permettait ainsi d’affirmer que la clause qui limite la réparation à presque rien en cas d’inexécution de l’obligation essentielle prive le contrat de cause, c’est-à-dire, selon la nouvelle terminologie, de contrepartie.

En effet, l’obligation essentielle est vidée de sa substance par la clause limitative de réparation qui prévoit un plafond d’indemnisation trop bas ; la contrepartie de l’obligation de payer du créancier n’existe donc plus.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - les suites de l'affaire chonopost :

Puisque l’arrêt du 22 octobre 1996 était de cassation, l’affaire a été renvoyée devant une Cour d’appel. Elle est ensuite revenue devant la Cour de cassation, à la suite d’un pourvoi de la

Société Chronopost qui avait été condamnée à la réparation intégrale par la Cour d’appel de Renvoi.

Vous avez donc compris que la Cour d’appel de renvoi avait adhéré au principe posé par la Cour de cassation.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - les suites de l'affaire chonopost :

 - Problème posé à la CC sur le second pourvoi : 

Le problème posé à la Cour de cassation à nouveau saisie était le suivant. Dans le domaine du transport, il existe un contrat type, élaboré par les partenaires sociaux et auquel le gouvernement donne force obligatoire par décret. Ce contrat type doit ainsi s’appliquer de manière supplétive, c'est-à-dire lorsque les contractants n’y ont pas dérogé par une convention particulière.

Or, le contrat type applicable en l’espèce contenait une clause qui plafonnait la réparation en cas d’inexécution… au montant payé par le créancier.

La question était donc de savoir si, une fois la clause du contrat supprimée sur la base de l’ancien article 1131 du Code civil, on devait appliquer la clause identique du contrat type, d’origine cette fois, non plus conventionnelle, mais réglementaire…

Dans son arrêt du 9 juillet 2002 dit « Chronopost II », la Cour de cassation a répondu par l’affirmative. La clause du contrat type devait s’appliquer et, seule la faute lourde du transporteur pouvait la mettre en échec.

En d’autres termes, l’argument tiré de la cohérence du contrat pouvait aboutir à la suppression de la clause d’origine conventionnelle, mais non à la suppression de la clause légale identique.

Cette clause légale ne pouvait tomber que si le transporteur avait commis une faute lourde du transporteur, appréciée subjectivement (confirmation dans Mixte, 22 avril 2005 dit Chronopost III).

En somme, tout ça pour ça… retour à la case départ… La Société Banchereau n’a pu avoir que le remboursement de ce qu’elle avait payé…

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'arrêt chronopost - les suites du principe posé par l'arrêt Chronopost : 

Le principe en vertu duquel la clause de limitation de réparation qui ruine la cohérence du contrat doit être réputée non écrite, a été réutilisé dans d’autres affaires impliquant encore la Société Chronopost ou d’autres entreprises.

Toutefois, pendant une période que l’on peut fixer aux années 2005-2007, le principe s’est singulièrement durci.

Notamment, dans un arrêt du 30 mai 2006, la Chambre commerciale a reproché à une cour d’appel de ne pas avoir recherché « si la clause limitative d'indemnisation dont se prévalait la société Chronopost, clause qui n'était pas prévue par un contrat type établi par décret, ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d'un manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat ».

Par rapport à l’arrêt Chronopost, le principe s’était donc modifié. En effet, dans l’arrêt Chronopost, pour que la clause soit réputée non écrite, il fallait non seulement que l’obligation visée soit une obligation essentielle, mais aussi que le plafond de réparation soit si bas qu’il contredise la portée de cette obligation.

Or, dans l’arrêt du 30 mai 2006, la Cour de cassation se contente de dire qu’une clause limitative de réparation doit être réputée non écrite dès lors qu’elle concerne une obligation essentielle.

Plus aucune référence n’était donc faite, au montant dérisoire du plafond…

La liberté contractuelle en avait donc pris un coup, et un auteur a appelé cette période « l’hiver des clauses limitatives de réparation ».

La Cour de cassation, face aux critiques qu’elle a subies de la part de la doctrine, est revenue au principe initial, d’abord, dans un arrêt dit EDF du 18 décembre 2007, et surtout dans un arrêt 29 juin 2010.

Dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation a refusé de réputer non écrite une clause limitative de réparation qui visait pourtant l’obligation essentielle du débiteur au motif que cette clause ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de fourniture d'électricité.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'article 1170 : 

La disparition de la cause enlève à la solution issue de la jurisprudence Chronopost son fondement textuel. L’article 1170 s’y substitue en énonçant que :

« Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

Il n’y a donc plus de trace de la cause, mais la règle est maintenue.

À cet égard, l’article 1170 donne raison à ceux qui ne voyaient dans la cause « qu’un habillage juridique, la raison profonde de la condamnation étant en réalité le caractère abusif de la clause »1 .

L’expression « clause abusive » n’est pas plus employée que celle de cause, le texte confrontant seulement les clauses du contrat à l’obligation essentielle du débiteur.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'article 1170 : 

Pour apprécier la validité des clauses contractuelles, il convient donc de caractériser l’obligation essentielle du contrat. Mais qu’est-ce qu’une obligation essentielle ?

L’obligation essentielle est celle sans laquelle le contrat ne présenterait plus aucun intérêt pour les parties ; elle constitue la pièce centrale, le noyau dur du contrat, l’élément qui permet de donner au contrat sa qualification.

La jurisprudence analyse précisément la nature et la teneur des obligations des parties afin de déceler l’obligation essentielle. Dans l’arrêt Chronopost par exemple, les juges du fond avaient relevé que la société de transport ne s’engageait pas seulement à livrer un pli, mais qu’elle devait garantir célérité et fiabilité. L’obligation essentielle du contrat n’était pas une obligation de livraison, mais une obligation de livraison rapide, la célérité de la prestation étant déterminante.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses qui vident de leur substance l'obligation essentielle (article 1170) - l'article 1170 : 

Est-il possible qu’un contrat comprenne plusieurs obligations essentielles à la charge d’une seule partie ?

L’article 1170 utilise le singulier, ce qui inciterait à une réponse négative. On peut cependant imaginer qu’un contrat important puisse comprendre plusieurs aspects distincts créant à la charge d’un même débiteur une pluralité d’obligations essentielles.

Une fois l’obligation essentielle du débiteur caractérisée, il faut apprécier la portée réelle de la clause. L’article 1170 sanctionne toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur.

La formule retenue se distingue de celle retenue par la Cour de cassation, sur le fondement de

la cause. Il ne s’agit plus de la clause qui « contredit la portée de l’engagement pris »2 ou de « l’obligation essentielle »3, mais de celle « qui prive de sa substance » cette obligation.

Toujours est-il que la clause visée est toujours celle, non pas qui porte sur une obligation essentielle, mais celle qui la vide de sa substance.

Il ne s’agit donc pas d’interdire toute clause susceptible d’affecter l’obligation essentielle, mais seulement celles qui réduiraient à rien son existence qui la rendrait illusoire ou dérisoire pour reprendre la formule de l’article 1169.

L’article 1170, comme l’article 1169, permet donc le contrôle de l’utilité économique du contrat. Ils ont donc la même fonction.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives : 

L’article 1171 du Code civil élève au niveau du droit commun du contrat la sanction des clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Le législateur a donc introduit, dans le Code civil, un dispositif de lutte contre les clauses abusives.

L’article 1171 du Code civil dispose en effet que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite ».

À noter que la réduction de la notion de clause abusive aux seules clauses « non négociées » est le fruit d’une modification de la loi de ratification du 20 avril 2018. Dans la version initiale de l’ordonnance de 2016, dès lors qu’une clause figurait dans un contrat d’adhésion, le juge avait le pouvoir d’en contrôler le caractère abusif.

Ainsi, pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018, le juge garde le pouvoir de contrôler toutes les clauses d’un contrat d’adhésion, même si elles ont, par exception, été négociées. Au contraire, pour les contrats conclus à partir du 1er octobre 2018, seules les clauses non négociées des contrats d’adhésion peuvent être contrôlées par le juge sur le fondement de l’article 1171.

Il faut s’intéresser, d’abord, au champ d’application de l’article 1171 (§1). En effet, la restriction du champ d’application de ce texte aux seuls contrats d’adhésion est source d’incertitudes. Il faut, ensuite, aborder le régime de l’article 1171 (§2).

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le champ d'application du controle du déséquilibre significatif : 

L’article 1171 limite le contrôle des clauses créant un déséquilibre significatif aux seuls contrats d’adhésion et, comme on vient de le voir, depuis la loi de ratification, aux seules clauses non négociées de ces contrats d’adhésion.

Deux questions se posent :

- La première a trait à la définition du contrat d’adhésion.

L’article 1110 du Code civil, dans sa version initiale, énonçait :

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.

Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Cet article était doublement critiquable :

Sur le fond / la forme 

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le champ d'application du controle du déséquilibre significatif : 

Critique sur la forme 

Sur la forme, d’abord, les deux alinéas qu’il comportait, et qui définissaient respectivement le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion, ne se répondaient pas. Si le contrat de gré à gré se caractérisait par ses stipulations librement négociées, le contrat d’adhésion était défini comme celui qui comportait des « conditions générales, soustraites à la négociation » et « déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Comment devait-on qualifier les contrats qui, tout en ne comportant pas de conditions générales, n’étaient pourtant pas librement négociés ? Autrement dit, l’article 1110, en opposant les « stipulations librement négociées » aux « conditions générales soustraites à la négociation » laissait entre les contrats de gré à gré et les contrats d’adhésion une zone grise, source d’incertitude.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le champ d'application du controle du déséquilibre significatif : 

Critique sur le fond : 

 

Ensuite, et au fond, recourir à la notion de « conditions générales », sans en proposer de définition, heurtait la sécurité juridique. En l’absence de définition, on pouvait craindre que la partie en situation de force modifie la présentation du contrat afin de faire disparaître l’expression « conditions générales », le tout pour échapper à la qualification de contrat d’adhésion et donc au contrôle des clauses abusives.

Ce sont ces critiques qui ont convaincu le Parlement qu’il était nécessaire de modifier ces définitions.

NB : Malheureusement, ces définitions originelles resteront applicables aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018. Elles n’ont donc pas été supprimées par la loi de ratification.

Les Parlementaires ont souhaité améliorer ces définitions en faisant, d’une part, de la « négociabilité » le critère de distinction entre le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion et, d’autre part, en supprimant la référence aux conditions générales.

Ainsi, le contrat de gré à gré n’est plus celui qui a été négocié, mais celui qui était négociable.

Le but est d’éviter qu’un contractant qui aurait pu négocier le contrat, mais n’avait pas pris la peine de le faire, vienne ensuite contester ses clauses devant le juge.

Quant au contrat d’adhésion, il s’agit de celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Exit donc la notion de « conditions générales ».

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le champ d'application du controle du déséquilibre significatif : 

La seconde question a trait à l’articulation entre le texte du droit code civil (1171) et les textes spéciaux du droit de la consommation et du droit de la concurrence.

- Les règles spéciales dérogent-elles à la règle générale ? 

Si la règle spéciale déroge à la règle générale, les consommateurs ne pourront donc agir que sur

le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la consommation tandis que les professionnels

visés par le Code de commerce devront se contenter de l’article L. 442-1 du Code du commerce.

L’article 1171 serait donc essentiellement applicable entre particuliers (et entre professionnels libéraux), mais uniquement si un des particuliers a fourni des conditions générales à l’autre, ce qui est rare.

Les parlementaires, à l’occasion des débats relatifs à la loi de ratification, se sont montrés hostiles à un cumul des textes.

D’ailleurs, dans un arrêt du 26 janvier 2022 (n° 20-16.782), la chambre commerciale, invoquant l’intention du législateur, a décidé que les contractants qui entrent dans le champ d’application du dispositif de lutte contre les clauses abusives du Code de la consommation ou du Code de commerce, ne peuvent pas invoquer l’article 1171 du Code civil.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le champ d'application du controle du déséquilibre significatif : 

La seconde question a trait à l’articulation entre le texte du droit code civil (1171) et les textes spéciaux du droit de la consommation et du droit de la concurrence.

- Les règles spéciales dérogent-elles à la règle générale ? 

Si la règle spéciale déroge à la règle générale, les consommateurs ne pourront donc agir que sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la consommation tandis que les professionnels visés par le Code de commerce devront se contenter de l’article L. 442-1 du Code du commerce.

L’article 1171 serait donc essentiellement applicable entre particuliers (et entre professionnels libéraux), mais uniquement si un des particuliers a fourni des conditions générales à l’autre, ce qui est rare.

Les parlementaires, à l’occasion des débats relatifs à la loi de ratification, se sont montrés hostiles à un cumul des textes.

D’ailleurs, dans un arrêt du 26 janvier 2022 (n° 20-16.782), la chambre commerciale, invoquant l’intention du législateur, a décidé que les contractants qui entrent dans le champ d’application du dispositif de lutte contre les clauses abusives du Code de la consommation ou du Code de commerce, ne peuvent pas invoquer l’article 1171 du Code civil.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le régime de l'article 1171 : 

Déséquilibre significatif : 

L’ajout de l’adjectif « significatif » indique la volonté du législateur de ne pas se contenter d’un déséquilibre quelconque, qui serait en quelque sorte inhérent à toute activité contractuelle, mais d’exiger un déséquilibre suffisamment important.

Significatif, ce n’est cependant ni manifeste, ni flagrant. On n’atteint pas le seuil de l’excès qui s’imposerait avec la force de l’évidence.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le régime de l'article 1171 : 

Déséquilibre de pouvoir : 

Le déséquilibre en pouvoir se traduit le plus souvent par une absence de réciprocité dans les prérogatives conférées par le contrat aux parties. Il en est ainsi notamment lorsqu’un distributeur peut mettre en œuvre unilatéralement et automatiquement une faculté de révision du prix alors que le fournisseur en est privé ou doit se soumettre à un mécanisme complexe de renégociation.

L’absence de réciprocité constitue un marqueur fiable du déséquilibre en pouvoir au détriment de l’une des parties. Pour la compenser, il faudrait une contrepartie identifiable, par exemple en argent, de nature à restaurer un équilibre financier mis en péril par les prérogatives accordées au contractant.

Mais sur ce point, la recherche du déséquilibre ne saurait couvrir directement le déséquilibre en valeur. L’article 1168 l’exclut expressément, qui prévoit que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».

À supposer d’ailleurs que la question puisse se poser, l’alinéa 2 de l’article 1171 rappelle que l’adéquation du prix à la prestation n’a pas à être prise en compte.

S5 : Le contenu du contrat (II) : la police des clauses - l'interdiction des clauses abusives - le régime de l'article 1171 : 

Réputé non écrit : 

Par ailleurs, la clause qui crée le déséquilibre est réputée non écrite.

La sanction prévue est désormais classique puisque seule la clause litigieuse est visée, et non le contrat dans son entier. Cette technique, également employée dans l’article 1170, a finalement été retenue dans la version finale alors que le projet d’ordonnance de 2015 évoquait encore, de manière ambiguë, la « suppression » de la clause.

L’intérêt du « réputé non écrit » réside dans le maintien de l’entier contrat, à l’exception de la clause qui créait un déséquilibre significatif. En outre, la Cour de cassation a décidé que l’action permettant le réputé non écrit était imprescriptible.

Sur le plan procédural, l’action est individuelle ; elle appartient au contractant victime. La solution peut paraître évidente dans le cadre du droit commun des contrats, mais elle tranche avec les actions en suppression des clauses abusives déjà existantes dans les droits spéciaux.

Une large part de l’intérêt des actions spéciales réside précisément dans l’ouverture de la qualité à agir aux associations de consommateurs ou au ministre de l’Économie.

Les modalités des obligations (Condition et terme) - les obligations conditionnelles (1304 à 1304-7) : 

Les conditions suspensives et résolutoires permettent d’intégrer, dans le champ contractuel, les motifs des parties qui sont, en principe, indifférents : non prise en compte de l’erreur sur les motifs (art. 1135) ; non prise en compte des motifs au titre de la « contrepartie convenue » (art. 1139).

Grâce aux conditions, les contractants sont certains que le contrat ne déploiera ses effets que si les motifs qui ont présidé à sa conclusion se sont réalisés ou se sont maintenus.

Les conditions sont ainsi d’usage fréquent. Par exemple, un acheteur va passer un contrat de vente sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Grâce à cette condition, l’acheteur est certain qu’il n’aura à payer le prix que s’il a les moyens de le faire.

D’ailleurs, cette condition a paru si utile à la protection de l’acheteur que le Code de la consommation prévoit que tous les contrats d’achat d’immeuble à usage d’habitation sont conclus sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt (si le prêt est nécessaire à l’acheteur).

NB : compte tenu de la fréquence des conditions suspensives dans les actes notariés, mais aussi de la rédaction souvent approximative de ces dernières, cette séance a un intérêt pratique fondamental. Il n’y a pas, en effet, de bonnes pratiques, sans compréhension de la théorie.

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