Droit de la preuve et des obligations
Droit de la preuve et des obligations - M2 notariat.
Droit de la preuve et des obligations - M2 notariat.
Set of flashcards Details
| Flashcards | 109 |
|---|---|
| Language | Français |
| Category | Law |
| Level | University |
| Created / Updated | 01.11.2025 / 02.11.2025 |
| Weblink |
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La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) :
Le deuxième vice du consentement envisagé par le Code civil est le dol. Dans l’ancienne version du Code civil, c’est la violence qui suivait immédiatement l’article consacré à l’erreur.
Or, cette présentation était peu cohérente.
D’abord parce que « le dol n’est pas, à proprement parler, un vice du consentement, mais la cause d’un tel vice »1. Le dol engendre en effet, dans l’esprit de la victime, une erreur. C’est donc bien cette erreur qui vicie le consentement de la victime du dol, et non le dol lui-même.
L’article 1139 du Code civil est clairement en ce sens puisqu’il énonce que « l’erreur qui résulte du dol est toujours excusable », et que c’est cette erreur qui est « une cause de nullité ».
Autrement dit, si les articles 1132 à 1136 du Code civil règlementent l’« erreur spontanée », les articles 1137 à 1139 traitent de l’« erreur provoquée ». La logique poussait donc à ce que le dol soit étudié après l’erreur.
En outre, la présentation des vices est aujourd’hui progressive : les vices sont étudiés du moins grave au plus grave.
Le législateur, comme pour l’erreur spontanée, a largement codifié la jurisprudence.
Les articles 1137 et 1138 du Code civil ont pour vocation de définir le dol (A), tandis que
l’article 1139 envisage ses conséquences, c’est-à-dire l’erreur qu’il provoque (B).
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol :
Les articles 1137 et 1138 du Code civil apportent des précisions quant à l’auteur du dol (1), son élément matériel (2), et son élément intentionnel (3).
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'auteur du dol :
« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre ». L’article 1137, alinéa 1 du Code civil exclut donc, a contrario, que le dol d’un tiers puisse, en principe, entraîner la nullité du contrat, quand bien même ce dol aurait provoqué une erreur déterminante du consentement de la victime.
Entre l’impératif de justice contractuelle, qui pousse à libérer la victime d’un contrat qu’elle n’a conclu que par erreur, et l’impératif de sécurité juridique, qui postule que le contrat soit maintenu afin que les intérêts du cocontractant innocent ne soient pas sacrifiés, notre système juridique a opté pour la sécurité.
Ce choix se justifie, car l’absence d’annulation reçoit une atténuation et deux exceptions :
— L’atténuation résulte de l’application des règles de l’erreur. Si l’erreur provoquée par le tiers est une erreur sur une qualité essentielle de la prestation ou sur celles du cocontractant, la victime pourra obtenir la nullité du contrat, non sur le fondement du dol, mais sur celui de l’erreur spontanée.
— La première exception à l’indifférence du dol du tiers sur la validité du contrat est reprise de la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation avait pu décider que lorsque le tiers est le représentant, le porte-fort ou le gérant d’affaires d’un contractant, ce dernier devait endosser le dol et en subir les conséquences. La réforme s’est contentée d’ajouter une autre hypothèse, celle du dol commis par le préposé d’un contractant.
Par exemple : Civ. 3e, 5 juillet 2018, n° 17-20121 : « alors qu’elle avait retenu que M. B... avait la qualité de représentant de la SCI Aman et que les manœuvres dolosives du représentant du vendeur, qui n’est pas un tiers au contrat, engagent la responsabilité de celui-ci ».
— Ensuite, l’article 1138 ajoute que le dol est encore constitué lorsqu’il émane « d’un tiers de connivence ». La formule n’est pas très explicite. La « connivence », si l’on en croit le dictionnaire de l’Académie française, est une « entente secrète ou tacite ».
La simple connaissance des agissements du tiers suffira-t-elle à établir la « connivence » exigée par le texte ? Il faut l’espérer, car la déloyauté du cocontractant est manifeste dans une telle situation : alors qu’il était en mesure de détromper la victime, il s’est abstenu sciemment de le faire.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : avant 2016 :
L’ancien article 1116 du Code civil ne prévoyait, au titre de l’élément matériel du dol, que les « manœuvres ». Le texte laissait donc entendre que le dol devait prendre la forme d’actes matériels extériorisés.
L’exigence de bonne foi a toutefois progressivement irrigué toutes les étapes de la vie du contrat et, notamment, sa formation. La Cour de cassation avait donc élargi sa conception de l’élément matériel du dol.
Elle avait ainsi admis qu’un mensonge, même « non appuyé d’actes extérieurs », pouvait servir de support à un dol2. Dans le même ordre d’idées, la Haute juridiction avait également admis que « le dol [puisse] être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter »3.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2016
Le triptyque « manœuvre », « mensonge », « dissimulation » a donc été repris par le législateur dans l’article 1137 du Code civil.
L’article 1137, alinéa 2 limite cependant la prise en compte de la réticence dolosive aux hypothèses de dissimulation portant sur une information dont l’auteur du dol connaît le caractère déterminant pour l’autre partie.
Le législateur a donc déconnecté la réticence dolosive de l’obligation légale d’information consacrée à l’article 1112-1 du Code civil.
Sur le fondement de cette dernière, un contractant doit livrer une information si
- celle-ci est déterminante du consentement de l’autre,
- si ce dernier l’ignore légitimement et à condition qu’elle ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2016 - incohérence
Or, sur le plan du dol, les deux dernières conditions et, en particulier, l’exclusion de l’estimation de la valeur de la prestation, n’étaient pas reprises dans la version initiale de l’ordonnance de 2016.
Seul comptait le fait que l’auteur du dol ait connu le caractère décisif d’une information pour son cocontractant, peu important que ce dernier ait fait preuve de légèreté et peu important que cette information ait porté sur la valeur de la chose ou même sur un simple motif.
La combinaison des articles 1137 et 1139 du Code civil pouvait ainsi conduire à briser la jurisprudence Baldus4, par laquelle la Cour de cassation avait précisément exclu que l’acheteur puisse se rendre coupable d’une réticence dolosive quant à la valeur de la chose, et ce, alors que le législateur avait consacré cette jurisprudence sur le plan de l’obligation d’information.
Il y avait donc une incohérence majeure entre le régime de l’obligation d’information et le régime de la réticence dolosive.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2018 :
Elle a été corrigée par le Parlement à l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018.
Cette loi a ajouté un alinéa à l’article 1137 qui précise que « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
La jurisprudence Baldus est donc pleinement consacrée, aussi bien sur le terrain de l’obligation d’information (art. 1112-1) que sur celui du dol (art. 1137).
Certes, le nouvel article 1137 n’est applicable qu’aux contrats conclus après le 1er octobre 2018.
Toutefois, on comprendrait mal que la Cour de cassation applique une règle différente pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018. Il est donc possible que les textes applicables aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 soient interprétés à la lumière des textes modifiés par la loi de ratification de 2018.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément intentionnel :
Le dol n’est constitué que si son auteur a voulu tromper l’autre partie. L’ancien article 1109 du Code civil énonçait ainsi que le consentement n’était pas valable lorsqu’il avait été « surpris » par le dol. Les avant-projets Catala et Terré avaient proposé de reprendre la formule de l’article 1109 du Code civil5 qui mettait en valeur la nécessité d’une tromperie.
Cette subtilité a malheureusement échappé au législateur qui s’est contenté de dire que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre ». Or, il est tout à fait possible « d’obtenir » licitement le consentement de l’autre partie.
L’élément intentionnel n’est donc mentionné que par ellipse dans l’article 1137 du Code civil.
Il apparaît de manière éclatante s’agissant de la réticence dolosive. Celle-ci est en effet définie comme une « dissimulation intentionnelle ».
Le mensonge n’appelait pas non plus de précision particulière quant à l’élément intentionnel, celui-ci supposant nécessairement l’intention de tromper l’autre partie.
Mais tel n’est pas le cas des manœuvres ! Une manœuvre est une simple « opération de la main ». Obtenir un consentement par une manœuvre n’a donc rien d’illicite.
Quoi qu’il en soit, la malfaçon qui affecte l’article 1137 du Code civil n’aura sans doute pas de conséquence, parce qu’il est évident que les manœuvres visées au texte ne peuvent être que celles qui ont été employées malicieusement.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - les conséquence du dol - erreur toujours excusable :
L’article 1139 du Code civil énonce en substance que toutes les erreurs qui résultent d’un dol doivent permettre le prononcé de la nullité relative du contrat, qu’elles aient été excusables ou non, qu’elles aient porté sur les qualités essentielles de la prestation ou de la personne du cocontractant ou sur la valeur ou les simples motifs.
La restriction du périmètre des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité du contrat perd en effet sa raison d’être lorsque l’erreur est la conséquence de la déloyauté d’un contractant.
Autrement dit, si toutes les erreurs qui résultent d’un dol sont excusables, et jamais indifférentes, c’est parce que l’auteur du dol a commis une tromperie, c’est-à-dire une faute que notre système juridique considère comme plus grave que celle de la victime.
NB : la réticence dolosive, comme on vient de le voir, ne peut porter sur la valeur de la chose. Autrement dit, celui qui s’est trompé sur la valeur ne peut reprocher à l’autre partie de ne pas l’avoir détrompé.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - les conséquence du dol - erreur déterminante :
Bien que l’article 1139 du Code civil ne le rappelle pas, l’erreur qui résulte du dol, quoique toujours excusable et jamais indifférente, doit au moins avoir été déterminante du consentement de la victime. C’est l’article 1130, commun à tous les vices, qui pose cette exigence.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance :
Avant la réforme, et sans texte dans le Code civil, la Cour de cassation avait fini par admettre que la contrainte économique pouvait être sanctionnée par le biais de la violence des anciens articles 1111 et suivants du Code civil6.
Le législateur a décidé de consacrer l’évolution jurisprudentielle du vice de violence en prévoyant un article permettant de sanctionner, à côté de la violence au sens classique du terme, l’exploitation abusive des situations de dépendance.
Tel est donc l’objet de l’article 1143 du Code civil qui énonce qu’« il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
Compte tenu des standards juridiques qu’elle utilise, il faudra toutefois quelques années de pratique jurisprudentielle pour que la portée réelle de ce texte soit dévoilée7, et ce d’autant que l’article 1143 du Code civil fait l’objet d’une controverse en doctrine.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°1 =
- État de dépendance : l’article 1143 du Code civil était censé introduire, par le biais de la notion de violence, une protection des personnes vulnérables, au moins si l’on en croit le rapport de présentation de l’ordonnance du 10 février 20166. Le texte initial de l’ordonnance du 10 février 2016 n’était pas si clair qui visait exclusivement « l’état de dépendance », sans autre précision. Or, la dépendance peut recevoir deux définitions.
Au sens large, la dépendance est un synonyme de fragilité ou de faiblesse. On pense ainsi aux personnes âgées par exemple. Au sens au strict, au contraire, l’état de dépendance vise la situation d’une personne qui a perdu son autonomie par rapport à une autre, la dépendance pouvant, par exemple, être économique, ou affective.
Autant dire que les personnes psychologiquement fragiles, les malades ou les personnes âgées, quoique vulnérables, ne sont pas nécessairement dans un état de dépendance au sens strict !
C’est cette seconde acception qui a été choisie par les Parlementaires.
À l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018, ils ont légèrement modifié l’article 1143 en précisant que la dépendance devait s’apprécier « à l’égard » du cocontractant. Cette modification, subtile, n’est pas anodine puisqu’elle a pour effet de consacrer l’acception stricte de la dépendance. Cette modification étant déclarée interprétative, elle s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016.
Mais la jurisprudence n’est, pour l’instant, pas clairement fixée. Il n’y a eu aucun arrêt à hauteur de cassation sur cette question.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°2 =
- Avantage manifestement excessif : la situation de dépendance de la victime ne suffit pas à caractériser la violence. Il est nécessaire que l’autre partie ait obtenu un avantage manifestement excessif : tous ceux qui contractent avec des personnes fragiles ne sont pas nécessairement malhonnêtes... La violence de l’article 1143 du Code civil est donc constituée si le cocontractant a profité de la contrainte qui pèse sur l’autre partie pour « obtenir un avantage manifestement excessif ». D’un point de vue moral, on peut peut-être regretter que le législateur ait entériné la possibilité d’abuser de la dépendance d’une personne pour en tirer profit. En effet, seul le profit « manifestement excessif » est susceptible d’être sanctionné, ce qui laisse tout de même une certaine marge aux cyniques.
La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°3 ? =
Une question importante est toutefois posée.
Faut-il, en guise de troisième condition, démontrer que cet avantage a été obtenu par un « abus » ?
Autrement dit, faut-il prouver, de manière autonome, l’existence d’un abus, qui constituerait une troisième condition de fond, à côté de l’état de dépendance et de l’avantage manifestement excessif ? Telle n’était pas l’intention du législateur qui a considéré que l’abus découlerait nécessairement de l’existence d’un avantage manifestement excessif. En d’autres termes, de la preuve d’un avantage manifestement excessif découlerait nécessairement celle de l’abus.
Toutefois, certains auteurs, faisant une interprétation littérale de l’article 1143 du Code civil, estiment qu’il faudrait démontrer que le comportement de la partie qui a obtenu un avantage manifestement excessif était « abusif », la preuve du déséquilibre ne suffisant pas.
Dans un arrêt du 9 décembre 2021 (n° 20-10.096), rendu sous l’empire du droit ancien, la Cour de cassation a décidé qu’il suffisait, pour caractériser une violence, de démontrer un état de dépendance et un avantage excessif, sans mentionner la preuve de l’abus. Cet arrêt pourrait préfigurer la future interprétation de l’article 1143 du Code civil. Toutefois, un autre arrêt pourrait laisser entendre qu’il faut la démonstration autonome d’un abus : Com. 10 juillet 2024, n° 22-21.947.
La réalité et la qualité du consentement - conclusion.
Conclusion : Le contrôle du consentement au contrat est double. Il vise, dans un premier temps, à permettre de s’assurer que le consentement est réel, c’est-à-dire qu’il a été émis par une personne apte à consentir. Pour contracter, il faut en effet être sain d’esprit.
Il vise, dans un second temps, à vérifier l’intégrité de ce consentement, c’est-à-dire que le consentement est exempt de vice. Les vices envisagés par le Code civil sont cependant limités, afin de ne pas trop fragiliser le contrat et, partant, la sécurité juridique.
- Le consentement doit ainsi être lucide, c’est-à-dire donné en connaissance de cause. Le droit positif permet ainsi de remettre en cause le contrat auquel il n’a été consenti que par erreur, soit que cette erreur ait été spontanée, auquel cas toutes les erreurs ne sont pas prises en compte, soit que cette erreur ait été provoquée par un dol. Dans cette dernière hypothèse, peu importe alors la nature de l’erreur (sauf pour la réticence dolosive qui ne peut porter sur la valeur de la prestation).
- Le consentement doit également être donné librement, ce qui autorise l’annulation des conventions passées sous la menace ou sous l’empire d’un état de dépendance ;
Droit de la preuve civile - on s'intèresse en général à 3 choses en matière de preuve :
Qui doit rapporter la preuve ? - c'est la question de la charge de la preuve.
Comment rapporter la preuve ? - C'est la question de l'admissibilité de la preuve.
Par quels moyens la preuve peut-elle être rapportée ? C'est la question des modes de preuves.
Droit de la preuve civile - la charge de la preuve - le principe :
La charge de la preuve pèse sur le demandeur.
Droit de la preuve civile - la charge de la preuve - sur la notion de demandeur :
La notion de demandeur doit être comprise au sens large.
Est demandeur celui qui allègue quelque chose, c'est à dire qui prétend quelque chose.
C’est ce qu’exprime très bien l’article 1353 du Code civil.
Cet article énonce en effet :
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.« Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »
On voit bien que celui qui prétend quelque chose, doit prouver sa prétention.
- Alinéa 1 de l’article 1353 : si quelqu’un prétend qu’un tiers doit le payer, il doit prouver que ce tiers a une dette envers lui.
- Alinéa 2 de l’article 1315 : si celui à qui l’exécution est réclamée prétend qu’il ne doit rien, il doit prouver qu’il a déjà payé ou qu’un fait a éteint sa dette.
Droit de la preuve civile - la charge de la preuve - sur la notion de demandeur -
Prenons l’exemple d’un contrat de vente de meubles qui n’est pas correctement exécuté, l’acheteur n’ayant jamais été livré :
Imaginons que l’acheteur agisse en justice pour obtenir la livraison.
Sa prétention est que la personne qu’il désigne est un vendeur qui doit lui délivrer la chose qu’il a payée. S’il veut obtenir gain de cause, en vertu de l’article 1353, alinéa 1, du Code civil, il doit prouver l’existence du contrat de vente qu’il prétend voir exécuter.
S’il y parvient en présentant l’instrumentum du contrat de vente, c’est-à-dire le document signé par les deux parties, il gagnera son procès.
Le prétendu vendeur doit alors présenter ses moyens de défense et prouver ses prétentions :
- le vendeur peut prétendre, par exemple, que le contrat est nul pour vice de consentement. Il devra alors prouver l’existence du vice. S’il y parvient, il aura gain de cause et il n’aura pas à délivrer parce que le contrat sera rétroactivement anéanti.
S’il n’y parvient pas, il perdra et devra livrer.
- le vendeur peut aussi prétendre qu’il a déjà livré la chose. S’il démontre sa prétention, en présentant par exemple le bon de livraison signé par l’acheteur, il gagnera le procès. Sinon il perdra, et sera condamné à délivrer.
Droit de la preuve civile - la charge de la preuve - sur la notion de demandeur -
Sur l'article 1353 du Code civil :
L’article 1353 du Code civil évoque donc une partie de tennis :
- Celui qui prétend quelque chose doit le prouver.
- S’il y parvient, c’est à l’autre de se défendre en alléguant quelque chose qu’il doit également prouver...
Et ainsi de suite.
Droit de la preuve civile - la charge de la preuve - sur la notion de demandeur -
Sur l'article 1353 du Code civil - sur sa mise en oeuvre pratique ;
En réalité, la mise en œuvre concrète de l’article 1353 est quelque peu différente.
En pratique, le défendeur n’attend pas sagement que le demandeur ait prouvé sa prétention avant de répondre. Chaque plaideur combat avec vigueur la preuve avancée par son adversaire.
Le combat est donc simultané. Dans leurs conclusions, les avocats de chaque partie présentent ainsi leur argumentation et tente de détruire celle de leur adversaire.
S’il en est ainsi, c’est parce qu’il est beaucoup plus facile d’éviter que naisse chez le juge une conviction, que de détruire a posteriori la conviction que le juge s’est forgée à la vu des éléments de preuve produits par une partie.
Ainsi, l’intérêt de l’article 1353 du Code civil n’est pas tant d’établir un ordre chronologique dans le déroulement de la preuve que de déterminer qui doit supporter le risque de la preuve, c’est-à-dire qui perdra le procès en cas de doute sur les faits allégués par chacune des parties.
C’est celui sur qui reposait la charge de la preuve qui perdra le procès, si le juge n’est pas convaincu par sa démonstration.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - le principe :
L’article 1358 du Code civil énonce qu’« hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen ».
L’expression « tout moyen » ouvre le champ des possibles probatoire.
Pour prouver, au sens de l’article 1358 du Code civil, il peut donc, en principe, être fait appel aux cinq modes de preuve réglementés par le Code civil, qu’il soit parfait ou non, à savoir l’écrit, le témoignage, les indices, l’aveu et le serment.
L’article 1358 consacre ainsi, en principe, la liberté de la preuve.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - Le système probatoire en matière civile est pourtant légal :
Deux systèmes de preuve sont, en effet, susceptibles d’être utilisés en droit :
– Selon le système de la preuve dite « légale », il appartient au législateur d’établir une hiérarchie entre les différents modes de preuve, et de distinguer, selon l’objet de la preuve, les modes qui sont admissibles ou non.
– Au contraire, le système de la preuve dite « morale » laisse une entière liberté de choix des modes de preuve à celui qui cherche à démontrer la véracité de ses allégations. On expose parfois que l’objectif de vérité serait bien servi par le système de la preuve morale, tandis que le système de la preuve légale préserverait la sécurité, raison pour laquelle le droit pénal aurait accueilli le premier, tandis que le droit civil aurait reçu le second.
Le système de preuve en droit civil est donc légal, en dépit de la consécration de principe de la preuve par tout moyen, car c’est le législateur, et de manière encore plus éclatante depuis la réforme de 2016, qui délimite, en droit civil, l’admissibilité des modes de preuve.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - Le système probatoire en matière civile est pourtant légal - application pratique :
En principe, la preuve est libre. Par exception, s’agissant des actes juridiques dont la valeur est supérieure à 1500 euros, la preuve ne peut se faire que par écrit (ou par un autre mode de preuve parfait : v. infra).
Autrement dit, en principe, tous les modes de preuve sont admissibles pour prouver une allégation.
Par exception, s’agissant des actes juridiques dont la valeur est supérieure à 1500 euros, seule la preuve par écrit (ou un autre de mode de preuve parfait) est recevable.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - sur le principe - "nul ne peut se constituer une preuve à soi-même" : ante 2016 :
Après avoir décidé le contraire7, et sous l’influence d’une partie de la doctrine, la jurisprudence antérieure à la réforme de 2016 estimait que le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » n’était pas applicable en matière de fait juridique8.
Le plus souvent, les arrêts de cassation étaient rendus au visa de l’ancien article 1315 du Code civil9 qui établissait la charge de la preuve en matière civile. À dire vrai, ce visa n’était pas satisfaisant. Le domaine du principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » n’avait rien à voir avec l’attribution du fardeau probatoire, mais avait trait à l’admissibilité de la preuve. C’est donc par défaut, parce qu’il n’existait aucun texte relatif à la liberté de la preuve des faits, que la Cour de cassation s’abritait derrière l’ancien article 1315 du Code civil. Toute la question était en effet de savoir si un plaideur, sur qui pesait, ou non d’ailleurs, le risque de la preuve, pouvait prouver la véracité de son allégation, ou la fausseté de l’allégation de l’autre partie, en produisant un élément de preuve qui n’émanait que de lui, telle une lettre missive qu’il avait envoyée10, ou une copie d’écran de son site internet11.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - sur le principe - "nul ne peut se constituer une preuve à soi-même" : seconde position de la cour de cassation :
Dans son dernier état, la Cour de cassation faisait dépendre la réponse de l’objet de la preuve. S’il s’agissait de prouver un acte juridique, le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » était applicable12. En revanche, s’il s’agissait d’établir la réalité d’un fait juridique, le principe était exclu.
Pour justifier cette solution, il était avancé que la liberté de la preuve autoriserait les plaideurs à produire tout type de pièces, y compris celles qu’ils avaient élaborées unilatéralement13. En contrepoint, le juge aurait eu l’obligation d’examiner les pièces produites, quitte à estimer, souverainement, qu’elles n’étaient pas de nature à démontrer la matérialité de l’allégation au soutien de laquelle elles étaient produites14.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - le principe de la preuve par tout moyen - sur le principe - "nul ne peut se constituer une preuve à soi-même" : sur la position du legislateur ;
Le législateur a manifesté son intention de consacrer cette jurisprudence15. L’article 1363 du Code civil, qui ouvre la section consacrée à la preuve par écrit, énonce en effet que « nul ne peut se constituer de titre à soi-même ». Cela signifie qu’une partie ne peut se constituer, à soi- même, un écrit, ce qui va de soi puisque, d’une part, un acte sous signature privée doit être signé par toutes les parties et un acte authentique par un notaire.
On peut ainsi douter de l’utilité de l’article 1363 qui énonce une vérité d’évidence.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - la preuve par écrit des actes juridiques - le domaine de la preuve par écrit :
Comme on vient de le voir, le principe reste celui de la preuve par tout moyen, sauf lorsque le législateur exige une preuve par écrit (art. 1358).
Plus précisément, les actes juridiques dont la valeur dépasse 1500 euros se prouvent par écrit (art. 1359).
En contrepoint, les faits juridiques et les actes juridiques d’une valeur inférieure à 1500 euros se prouvent donc par tout moyen.
Un contrat qui n’a pas été passé par écrit alors qu’il mettait en jeu une somme de 1500 euros est donc pleinement valable, mais il ne pourra pas être prouvé par présomption ou témoignage.
Le créancier qui ne dispose pas d’écrit est donc dans une situation très inconfortable...
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - la preuve par écrit des actes juridiques - le domaine de la preuve par écrit - sur la distinction entre le contrat qui n'est pas valable et celui qui ne peut être prouvé :
Le créancier qui ne dispose pas d’écrit est donc dans une situation très inconfortable...
D’où la maxime « Idem est non esse » : ne pas être valable, ou ne pas pouvoir être prouvé revient au même. Il y a donc une différence d’un point de vue théorique, mais pas d’un point de vue pratique.
En effet, en pratique, la distinction entre le contrat qui n’est pas valable parce que la forme imposée n’a pas été respectée, et le contrat qui est valable, mais qui ne peut pas être prouvé est mince : dans les deux cas, le créancier n’obtiendra pas satisfaction.
Toujours est-il que la distinction existe. Notamment, il faut se souvenir qu’il existe des exceptions à l’impossibilité de prouver le contrat de plus de 1500 euros autrement que par écrit :
Les contrats commerciaux, la preuve étant libre en matière commerciale, pour des raisons de rapidité et de souplesse.
L’impossibilité morale ou matérielle de se préconstituer un écrit.
L’impossibilité matérielle de présenter l’écrit, l’écrit ayant été détruit par force majeure.
- La présence d’un commencement de preuve par écrit qui émane du débiteur. Le commencement de preuve par écrit permet en effet de présenter des témoignages et des présomptions destinées à le compléter.
Droit de la preuve civile - l'admissibilité de la preuve - la preuve par écrit des actes juridiques - le domaine de la preuve par écrit - sur la distinction entre le contrat qui n'est pas valable et celui qui ne peut être prouvé - commencement de preuve par écrit - exemple :
Par exemple : le créancier peut présenter une lettre missive du débiteur faisant allusion au contrat. Cette lettre va servir de commencement de preuve par écrit, et va pouvoir être complétée par des témoignages et/ou des présomptions.
- L’existence d’une copie fiable qui a, d’après l’article 1379, la même force probante que l’original.
- La convention des parties, autorisée par l’article 1356. Les parties peuvent en effet déroger aux règles de preuve du Code civil et, notamment, prévoir un autre moyen que l’écrit pour prouver leur droit.
Par exemple : EDF et les compteurs.
Quoi qu’il en soit, même lorsque la forme n’est pas imposée à titre de validité, les contractants sont incités à se préconstituer la preuve de leur contrat par écrit, si la somme en jeu est supérieure à 1500 euros... Le risque est en effet que le contrat, bien que valable, ne puisse pas être prouvé.
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