Droit de la preuve et des obligations

Droit de la preuve et des obligations - M2 notariat.

Droit de la preuve et des obligations - M2 notariat.


Kartei Details

Karten 109
Sprache Français
Kategorie Recht
Stufe Universität
Erstellt / Aktualisiert 01.11.2025 / 02.11.2025
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Les avants contrats - la promesse synallagmatique autonome - la solennisation par la volonté du legislateur : 

Lorsque la loi érige une formalité en condition de validité de la vente, les parties peuvent-elles s’engager par une promesse synallagmatique avant l’accomplissement de la formalité substantielle.

Non, car le plus souvent le législateur a proscrit l’existence de tout lien contractuel entre les parties, par lequel l’un s’engagerait définitivement à vendre et l’autre à acheter, avant l’accomplissement de la formalité.

C’est le cas notamment lorsque la forme ou la formalité imposée par la loi a pour but de protéger une partie.

Le principe du « parallélisme des formes » impose en effet que la formalité protectrice soit effectuée au moment où le consentement au contrat définitif est donné par la personne protégée.

Ainsi, les promesses consensuelles de contrat solennel sont en principe interdites.

NB : La promesse d’hypothèque est toutefois tolérée en pratique. Il n’est pas rare que, dans un acte sous seing privé de crédit, un emprunteur promette d’hypothéquer un bien par acte notarié. Cette promesse est de faible portée : en cas d’inexécution, elle ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts.

Pour les mêmes raisons, on ne peut concevoir qu’une personne frappée d’une incapacité d’exercice soit engagée immédiatement dans les liens d’un contrat, fût-il préparatoire et autonome, dans l’attente de l’accomplissement de la formalité l’autorisant à passer le contrat.

La PSV ne semble donc pas avoir de place lorsqu’une condition de validité a été ajoutée par la loi au contrat de vente.

Conclusion : Finalement, le bilan de la promesse synallagmatique est assez maigre. Soit, il s’agit d’une vente mal qualifiée dont les effets ont été différés ou suspendus, soit il s’agit de situations limites dont on a du mal à cerner le régime.

La réalité et la qualité du consentement - la réalité du consentement : 

Pour que le consentement soit réel, il faut qu’il émane d’une personne qui soit saine d’esprit et qui ne soit pas frappée d’une incapacité légale. Nous n’allons pas reprendre les régimes d’incapacité. Vous devez simplement savoir que le notaire doit systématiquement vérifier la capacité légale des parties puisqu’il est tenu d’assurer l’efficacité juridique de l’acte qu’il instrumente :

  • -  consulter les actes d’État civil ;

  • -  consulter le Bodacc pour connaître le statut du vendeur au regard des Procédures

    collectives (v. séance 11 et 12) etc.
    Nous allons donc simplement revoir les règles relatives à l’insanité d’esprit.
    L’article 414-1 du Code civil énonce que, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit.

    Cette règle figure une deuxième fois, depuis la réforme du droit des contrats, à l’article 1129 : « Conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. »

    Il est ainsi possible de faire annuler un acte passé par une personne qui, même si elle ne bénéficiait pas d’un régime légal de protection, comme la tutelle, ou la curatelle, s’est révélée privée de ses facultés lors de la conclusion de l’acte.

    Mais comme l’article 1129 renvoie à l’article 414-1, il faut que les conditions fixées par l’article 414-2 soient respectées.

    On doit donc distinguer l’action exercée du vivant de l’inconscient (§1), de celle exercée après le décès de l’inconscient (§2).

La réalité et la qualité du consentement - la réalité du consentement - l'action exercée du vivant de l'inconscient : 

Lorsque l’inconscient est vivant, l’action en nullité de l’acte n’appartient qu’à lui, ou à son tuteur ou à son curateur s’il a été ultérieurement placé sous un régime de protection.

Cette action se prescrit par cinq ans à partir de la conclusion de l’acte, et il faut que l’inconscient prouve qu’il était bien atteint d’un trouble mental, ou d’une altération quelconque de sa capacité de discernement, au moment de la passation de l’acte.

NB : S’agissant du point de départ de la prescription, qui est fixe, il est compensé par la possibilité, pour le majeur, de démontrer qu’il était dans l’impossibilité d’agir. Par exemple, suspension jusqu’à l’ouverture de la mesure de protection (tutelle, curatelle...)

L’existence du trouble relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Ces derniers peuvent ainsi retenir diverses causes d’altération durable ou temporaire des facultés mentales, comme la maladie, un handicap, l’âge, un accident, voire une addiction.

Les arrêts qui reconnaissent un trouble mental ne sont cependant pas légion. Les juges font en effet preuve de prudence afin de ne pas réduire à rien la sécurité juridique.

Quant au moment du trouble, il doit normalement coïncider, aux termes de l’article 414-1, avec la passation de l’acte.

Compte tenu de la difficulté d’une telle preuve, la jurisprudence admet cependant que le demandeur se contente de démontrer qu’il était atteint d’un trouble mental à l’époque de l’acte. S’il réussit à faire cette démonstration, il appartiendra lors au défendeur démontre de prouver que l’acte a été passé dans une période de lucidité.

Le régime de l’action est plus restrictif après le décès de l’inconscient.

La réalité et la qualité du consentement - la réalité du consentement - l'action exercée après le décès de l'inconscient : 

Lorsque l’inconscient est décédé, l’action appartient à ses héritiers. Le point de départ de la prescription est fixé au décès de l’inconscient et non au jour de l’acte (Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 11-28.318).

Il faut alors distinguer entre les actes à titre gratuit, comme la donation et le testament, et les actes à titre onéreux.

* Le législateur se méfie en général des actes à titre gratuit. Aucune restriction à l’annulation n’a ainsi été prévue pour ces actes. Les héritiers doivent donc prouver que leur parent était atteint d’un trouble mental au moment de la passation de l’acte, et ce, par tous moyens.

* En revanche, le législateur n’a pas souhaité que les actes à titre onéreux puissent être remis en cause trop facilement par des héritiers déçus. Les conditions de remise en cause de ces actes sont donc beaucoup plus restrictives.

Aux termes de l’article 414-2 du Code civil, l’annulation ne peut être obtenue que si les héritiers démontrent que leur parent était placé sous sauvegarde de justice, d’où l’intérêt de ce mode protection légal allégé, ou qu’il était en cours de placement sous tutelle, curatelle, aux fins d’habilitations familiales ou si effet avait été donné à un mandat de protection future lors de la passation de l’acte.

À défaut, il faudra que l’acte démontre en lui-même le trouble mental de leur parent. C’est le système de la « preuve intrinsèque ». Les héritiers ne peuvent donc pas démontrer l’insanité d’esprit de leur parent par tous moyens. Il faudra que les stipulations de l’acte soient telles qu’elles démontrent l’absence de lucidité du contractant.

C’est l’outrance des termes de l’acte, et elle seule, qui doit faire la preuve du trouble mental au moment de la passation de l’acte. La Cour de cassation tient fermement au principe énoncé dans l’article 414-2. Elle n’hésite donc pas à casser des décisions qui ont annulé des actes à titre onéreux pour des raisons autres que les cas restrictifs prévus par les textes.

Toute personne est donc présumée capable de contracter. Les contractants, parce qu’ils sont présumés capables de contracter, ne peuvent obtenir l’annulation des actes passés que s’ils démontrent qu’ils étaient atteints d’un trouble mental au moment de l’acte.

La réalité et la qualité du consentement - la réalité du consentement - l'action exercée après le décès de l'inconscient - nota bene

NB : Si la capacité légale doit faire l’objet d’une vérification systématique, ce n’est pas le cas de la sanité d’esprit, alors même qu’il s’agit d’une condition de validité du contrat. Le notaire ne doit la faire vérifier que s’il dispose d’éléments qui lui permettent de douter des facultés mentales de son client :

Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 19-17.097.

À cet effet, le 116e congrès des Notaires de France a proposé l’ajout d’un alinéa 2 à l’article 414-1 du Code civil afin de consacrer cette pratique : « En cas de doute sérieux sur la sanité d’esprit de l’une des parties à l’acte, en raison notamment de son grand âge, ou d’un état de santé précaire, le rédacteur de l’acte prendra le soin de solliciter la production d’un certificat rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le Procureur de la République avant, le cas échéant, de rédiger son acte ».

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement -

Les textes relatifs à l’erreur du Code civil issu de la réforme du droit des obligations sont une reprise à droit constant des règles jurisprudentielles. Tout juste peut-on dire que la règlementation de l’erreur dite « spontanée » doit prendre en compte deux impératifs opposés.

- D’abord, il est nécessaire que les individus ne soient pas pris au piège de contrats qu’ils n’ont pas véritablement souhaités.

L’impératif de justice contractuelle commande ainsi qu’un contractant puisse obtenir la nullité du contrat qu’il n’a passé que parce qu’il a commis une erreur.

- Ensuite, il est tout autant nécessaire que les contractants ne puissent pas prendre prétexte de la moindre erreur pour se défaire d’un contrat, au mépris de la force obligatoire des conventions.

L’impératif de sécurité juridique commande donc que les contrats aient une certaine stabilité afin que les contractants puissent compter dessus et ne soient pas à la merci des arguties de leur partenaire.

Le Code civil, aidé par le travail de mise à jour et d’affinement de la jurisprudence, a ainsi distingué entre les erreurs, qui sont prises en compte par le droit, et les erreurs qui ne sont pas susceptibles d’emporter une remise en cause du contrat, et qui sont dites pour cela « indifférentes ».

Toute la réglementation du Code civil consiste, d’une part, à délimiter les erreurs positivement (de droit ou de fait, portant sur les qualités essentielles de la prestation ou de la personne, sur la prestation de l’une ou l’autre des parties) et négativement (pas inexcusable, pas sur la valeur, pas sur un motif, pas si aléa).

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) :

Il s’agit d’une information que se doivent les cocontractants. Toutefois, il serait prudent que le notaire vérifie que cette information a bel et bien été transmise.

NB : il y a aujourd’hui, dans les actes notariés, des clauses de style, à l’efficacité douteuse, dans lesquelles les parties déclarent avoir transmis l’ensemble des informations déterminantes. Ces clauses sont surtout utiles pour préconstituer la preuve, au notaire, de l’information relative aux sanctions si une telle information n’a pas été transmise.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domainede l'obligation d'information : 

Visiblement, le législateur a été soucieux de libéralisme. Il a souhaité que les parties puissent continuer à faire « de bonnes affaires » en limitant le domaine dans lequel une information doit être délivrée à l’autre partie.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domaine de l'obligation d'information : 

Qui doit l'information : 

Le devoir pèse sur le contractant qui connaît une information déterminante pour le consentement de l’autre partie.

L’article 1112-1 limite ainsi la portée du devoir d’information à cette seule hypothèse.

Contrairement au projet d’ordonnance de février 2015, n’est plus sanctionné le contractant qui aurait dû connaître l’information, indépendamment donc de sa connaissance effective.

Une telle formule aurait permis de sanctionner le contractant qui aurait manqué à son « obligation de s’informer pour informer », en modulant l’intensité de l’obligation selon la qualité des parties.

Il faut donc une connaissance effective de l’information déterminante du consentement de l’autre.

NB : La question se pose de savoir si la jurisprudence sera sensible à cet argument de texte. La Cour de cassation avait, en effet, clairement mis à la charge des vendeurs professionnels une obligation de s’informer pour informer l’autre partie. Il n’est pas certain qu’elle revienne en arrière.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domaine de l'obligation d'information : 

A qui est due l'information ; 

Elle est évidemment due à l’autre partie : celle qui a besoin de l’information.

Mais pas dans tous les cas. Encore faut-il qu’elle ait, légitimement, ignoré cette information ou fait confiance, légitimement, à son cocontractant.

Ainsi, celui qui se plaindra d’une méconnaissance de l’obligation d’information devra démontrer que son ignorance était légitime ou que sa confiance en l’autre était légitime. Or, ce n’est pas simple et c’est là que se logera une partie du contentieux.

  • -  Le coût élevé de l’information rend-il l’ignorance légitime ? Mais, précisément, si ce coût est élevé est-il normal de forcer celui qui a payé pour l’obtenir à la donner gratuitement à l’autre ?

  • -  L’accès difficile à l’information rend-il l’ignorance légitime ? Mais, précisément, celui qui a fait les efforts pour acquérir des connaissances doit-il les transmettre gratuitement à l’autre ?

  • -  S’agissant de la confiance, les choses sont plus simples. Les liens de famille ou d’amitié, et la structure du contrat seront des indices forts. En cas d’achat à un inconnu, il n’y a pas de raison de lui faire particulièrement confiance... En revanche, lorsque l’on est associé dans une même société, la confiance paraît légitime.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domaine de l'obligation d'information : 

Quelle information est due ? 

L’information doit être déterminante, c’est-à-dire qu’elle doit avoir un impact sur la décision de contracter de l’autre.

Le contenu des informations est doublement limité par l’article 1112-1.

Positivement, il faut que l’information ait un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domaine de l'obligation d'information : 

Quelle information est due ? 

JP récente : 

Mais la jurisprudence récente a encore restreint le champ des obligations déterminantes du consentement, par un arrêt du 14 mai 2025 (n° 23-17.948). En effet, la haute juridiction a décidé qu’il n’est pas suffisant de démontrer que l’information non transmise avait un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il faut aussi démontrer qu’elle était déterminante du consentement ! Ainsi, alors que le texte laissait entendre qu’une information qui porte sur le contenu du contrat ou la qualité des parties est nécessairement déterminante du consentement, la chambre commerciale a considéré que les conditions étaient cumulatives : il ne suffit pas que l’information porte sur le contenu du contrat ou la qualité des parties !

Il faut qu’elle porte sur le contenu du contrat ou la qualité des parties ET qu’elle soit déterminante du consentement !

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - le domaine de l'obligation d'information : 

Quelle information est due ? 

Sur la valeur de la prestation : 

Négativement, elle ne peut porter sur l’estimation et la valeur de la prestation !

Le législateur a voulu consacrer la jurisprudence Baldus du 3 mai 2000.

Dans cette affaire, une vieille dame avait trouvé des photographies de Baldus dans son grenier. En 1986, elle les a vendues aux enchères publiques, Monsieur X remportant les enchères au prix de 1000 F l’unité.

En 1989, elle a retrouvé un nouveau lot de photos de ce même Baldus. Plutôt que de refaire des enchères publiques, elle contacte Monsieur X et lui propose, au même prix, les nouvelles photos. Celui-ci accepte. Il accepte d’autant plus que le marché de l’art étant volatile, les photos dudit Baldus valaient au jour de la nouvelle vente, 10 fois plus cher. L’acheteur a donc immédiatement revendu les photos et a empoché une très belle plus-value.

La vieille dame a alors reproché à l’acheteur de ne pas lui avoir dit que la valeur réelle des photos était supérieure au prix qu’elle avait proposé. Elle a obtenu gain de cause devant les juges d’appel, mais la Cour de cassation a censuré la décision au motif qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur.

La solution a été légèrement amendée dans un arrêt du 17 janvier 2007. La Cour de cassation a précisé dans cette décision que l’acquéreur, même professionnel, n’avait aucune obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur des biens acquis.

C’est cette jurisprudence qui est donc consacrée dans l’article 1112-1.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'obligation précontractuelle d'information (1112-1 C.civ) - la sanction de la violation de l'obligation ; 

La preuve de l’existence de l’obligation repose sur celui qui invoque sa méconnaissance. En revanche, dès lors que cette preuve a été rapportée, il appartient au débiteur de l’obligation de prouver qu’il l’a bien transmise.

L’article 1112-1 du Code civil consacre une jurisprudence qui s’était fixée avec un arrêt du 25 février 1997, rendu en matière médicale.

La Cour de cassation avait estimé, dans un attendu général, qu’il appartenait à celui qui était légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information de prouver qu’il l’avait bien exécutée.

NB : le notaire, comme tous les débiteurs d’une obligation d’information doit rapporter la preuve qu’il a exécuté correctement cette obligation. D’où l’importance de la préconstitution de la preuve grâce aux reconnaissances de conseil donné : v. séance 11 et 12.

Si le débiteur échoue à rapporter cette preuve, la victime peut obtenir une indemnisation pour voir son préjudice réparé.

Puisqu’il s’agit d’une obligation précontractuelle d’information, et que le contrat n’est pas encore formé à ce stade, la responsabilité devrait être délictuelle. En effet, la faute intervient en effet à un moment où l’échange des consentements n’a pas été fait.

En outre, la victime ne peut pas obtenir la nullité du contrat du seul fait de l’inexécution de l’obligation d’information. Pour obtenir la nullité, elle devra démontrer l’existence d’un vice du consentement et, plus précisément, d’une erreur ou d’un dol.

On va voir que, dans la version initiale de l’ordonnance de 2016, l’articulation entre l’obligation d’information et le dol n’était pas évidente à faire. Les précautions infinies dont a fait preuve le législateur dans la consécration de l’obligation d’information pouvaient être déjouées par l’admission particulièrement large de la réticence dolosive qui, de l’aveu même du rapport de présentation de l’ordonnance, s’appuyait sur « une conception plus solidaire du contrat ».

À l’inspiration libérale du devoir d’information s’opposait ainsi une inspiration solidariste de la réticence dolosive, les deux étant incompatibles.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) : 

Le deuxième vice du consentement envisagé par le Code civil est le dol. Dans l’ancienne version du Code civil, c’est la violence qui suivait immédiatement l’article consacré à l’erreur.

Or, cette présentation était peu cohérente.

D’abord parce que « le dol n’est pas, à proprement parler, un vice du consentement, mais la cause d’un tel vice »1. Le dol engendre en effet, dans l’esprit de la victime, une erreur. C’est donc bien cette erreur qui vicie le consentement de la victime du dol, et non le dol lui-même.

L’article 1139 du Code civil est clairement en ce sens puisqu’il énonce que « l’erreur qui résulte du dol est toujours excusable », et que c’est cette erreur qui est « une cause de nullité ».

Autrement dit, si les articles 1132 à 1136 du Code civil règlementent l’« erreur spontanée », les articles 1137 à 1139 traitent de l’« erreur provoquée ». La logique poussait donc à ce que le dol soit étudié après l’erreur.

En outre, la présentation des vices est aujourd’hui progressive : les vices sont étudiés du moins grave au plus grave.

Le législateur, comme pour l’erreur spontanée, a largement codifié la jurisprudence.
Les articles 1137 et 1138 du Code civil ont pour vocation de définir le dol (A), tandis que

l’article 1139 envisage ses conséquences, c’est-à-dire l’erreur qu’il provoque (B).

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol : 

Les articles 1137 et 1138 du Code civil apportent des précisions quant à l’auteur du dol (1), son élément matériel (2), et son élément intentionnel (3).

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'auteur du dol : 

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre ». L’article 1137, alinéa 1 du Code civil exclut donc, a contrario, que le dol d’un tiers puisse, en principe, entraîner la nullité du contrat, quand bien même ce dol aurait provoqué une erreur déterminante du consentement de la victime.

Entre l’impératif de justice contractuelle, qui pousse à libérer la victime d’un contrat qu’elle n’a conclu que par erreur, et l’impératif de sécurité juridique, qui postule que le contrat soit maintenu afin que les intérêts du cocontractant innocent ne soient pas sacrifiés, notre système juridique a opté pour la sécurité.

Ce choix se justifie, car l’absence d’annulation reçoit une atténuation et deux exceptions :

— L’atténuation résulte de l’application des règles de l’erreur. Si l’erreur provoquée par le tiers est une erreur sur une qualité essentielle de la prestation ou sur celles du cocontractant, la victime pourra obtenir la nullité du contrat, non sur le fondement du dol, mais sur celui de l’erreur spontanée.

— La première exception à l’indifférence du dol du tiers sur la validité du contrat est reprise de la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation avait pu décider que lorsque le tiers est le représentant, le porte-fort ou le gérant d’affaires d’un contractant, ce dernier devait endosser le dol et en subir les conséquences. La réforme s’est contentée d’ajouter une autre hypothèse, celle du dol commis par le préposé d’un contractant.

Par exemple : Civ. 3e, 5 juillet 2018, n° 17-20121 : « alors qu’elle avait retenu que M. B... avait la qualité de représentant de la SCI Aman et que les manœuvres dolosives du représentant du vendeur, qui n’est pas un tiers au contrat, engagent la responsabilité de celui-ci ».

— Ensuite, l’article 1138 ajoute que le dol est encore constitué lorsqu’il émane « d’un tiers de connivence ». La formule n’est pas très explicite. La « connivence », si l’on en croit le dictionnaire de l’Académie française, est une « entente secrète ou tacite ».

La simple connaissance des agissements du tiers suffira-t-elle à établir la « connivence » exigée par le texte ? Il faut l’espérer, car la déloyauté du cocontractant est manifeste dans une telle situation : alors qu’il était en mesure de détromper la victime, il s’est abstenu sciemment de le faire.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : avant 2016 : 

L’ancien article 1116 du Code civil ne prévoyait, au titre de l’élément matériel du dol, que les « manœuvres ». Le texte laissait donc entendre que le dol devait prendre la forme d’actes matériels extériorisés.

L’exigence de bonne foi a toutefois progressivement irrigué toutes les étapes de la vie du contrat et, notamment, sa formation. La Cour de cassation avait donc élargi sa conception de l’élément matériel du dol.

Elle avait ainsi admis qu’un mensonge, même « non appuyé d’actes extérieurs », pouvait servir de support à un dol2. Dans le même ordre d’idées, la Haute juridiction avait également admis que « le dol [puisse] être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter »3.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2016 

Le triptyque « manœuvre », « mensonge », « dissimulation » a donc été repris par le législateur dans l’article 1137 du Code civil.

L’article 1137, alinéa 2 limite cependant la prise en compte de la réticence dolosive aux hypothèses de dissimulation portant sur une information dont l’auteur du dol connaît le caractère déterminant pour l’autre partie.

Le législateur a donc déconnecté la réticence dolosive de l’obligation légale d’information consacrée à l’article 1112-1 du Code civil.

Sur le fondement de cette dernière, un contractant doit livrer une information si

  • -  celle-ci est déterminante du consentement de l’autre,

  • -  si ce dernier l’ignore légitimement et à condition qu’elle ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2016 - incohérence 

  1. Or, sur le plan du dol, les deux dernières conditions et, en particulier, l’exclusion de l’estimation de la valeur de la prestation, n’étaient pas reprises dans la version initiale de l’ordonnance de 2016.

    Seul comptait le fait que l’auteur du dol ait connu le caractère décisif d’une information pour son cocontractant, peu important que ce dernier ait fait preuve de légèreté et peu important que cette information ait porté sur la valeur de la chose ou même sur un simple motif.

    La combinaison des articles 1137 et 1139 du Code civil pouvait ainsi conduire à briser la jurisprudence Baldus4, par laquelle la Cour de cassation avait précisément exclu que l’acheteur puisse se rendre coupable d’une réticence dolosive quant à la valeur de la chose, et ce, alors que le législateur avait consacré cette jurisprudence sur le plan de l’obligation d’information.

    Il y avait donc une incohérence majeure entre le régime de l’obligation d’information et le régime de la réticence dolosive.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément matériel : 2018 :

Elle a été corrigée par le Parlement à l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018.

Cette loi a ajouté un alinéa à l’article 1137 qui précise que « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

La jurisprudence Baldus est donc pleinement consacrée, aussi bien sur le terrain de l’obligation d’information (art. 1112-1) que sur celui du dol (art. 1137).

Certes, le nouvel article 1137 n’est applicable qu’aux contrats conclus après le 1er octobre 2018.

Toutefois, on comprendrait mal que la Cour de cassation applique une règle différente pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018. Il est donc possible que les textes applicables aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 soient interprétés à la lumière des textes modifiés par la loi de ratification de 2018.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - la définition du dol - l'élément intentionnel : 

Le dol n’est constitué que si son auteur a voulu tromper l’autre partie. L’ancien article 1109 du Code civil énonçait ainsi que le consentement n’était pas valable lorsqu’il avait été « surpris » par le dol. Les avant-projets Catala et Terré avaient proposé de reprendre la formule de l’article 1109 du Code civil5 qui mettait en valeur la nécessité d’une tromperie.

Cette subtilité a malheureusement échappé au législateur qui s’est contenté de dire que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre ». Or, il est tout à fait possible « d’obtenir » licitement le consentement de l’autre partie.

L’élément intentionnel n’est donc mentionné que par ellipse dans l’article 1137 du Code civil.

Il apparaît de manière éclatante s’agissant de la réticence dolosive. Celle-ci est en effet définie comme une « dissimulation intentionnelle ».

Le mensonge n’appelait pas non plus de précision particulière quant à l’élément intentionnel, celui-ci supposant nécessairement l’intention de tromper l’autre partie.

Mais tel n’est pas le cas des manœuvres ! Une manœuvre est une simple « opération de la main ». Obtenir un consentement par une manœuvre n’a donc rien d’illicite.

Quoi qu’il en soit, la malfaçon qui affecte l’article 1137 du Code civil n’aura sans doute pas de conséquence, parce qu’il est évident que les manœuvres visées au texte ne peuvent être que celles qui ont été employées malicieusement.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - les conséquence du dol - erreur toujours excusable : 

L’article 1139 du Code civil énonce en substance que toutes les erreurs qui résultent d’un dol doivent permettre le prononcé de la nullité relative du contrat, qu’elles aient été excusables ou non, qu’elles aient porté sur les qualités essentielles de la prestation ou de la personne du cocontractant ou sur la valeur ou les simples motifs.

La restriction du périmètre des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité du contrat perd en effet sa raison d’être lorsque l’erreur est la conséquence de la déloyauté d’un contractant.

Autrement dit, si toutes les erreurs qui résultent d’un dol sont excusables, et jamais indifférentes, c’est parce que l’auteur du dol a commis une tromperie, c’est-à-dire une faute que notre système juridique considère comme plus grave que celle de la victime.

NB : la réticence dolosive, comme on vient de le voir, ne peut porter sur la valeur de la chose. Autrement dit, celui qui s’est trompé sur la valeur ne peut reprocher à l’autre partie de ne pas l’avoir détrompé.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - le dol (art 1137 à 1139) - les conséquence du dol - erreur déterminante : 

Bien que l’article 1139 du Code civil ne le rappelle pas, l’erreur qui résulte du dol, quoique toujours excusable et jamais indifférente, doit au moins avoir été déterminante du consentement de la victime. C’est l’article 1130, commun à tous les vices, qui pose cette exigence.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance : 

Avant la réforme, et sans texte dans le Code civil, la Cour de cassation avait fini par admettre que la contrainte économique pouvait être sanctionnée par le biais de la violence des anciens articles 1111 et suivants du Code civil6.

Le législateur a décidé de consacrer l’évolution jurisprudentielle du vice de violence en prévoyant un article permettant de sanctionner, à côté de la violence au sens classique du terme, l’exploitation abusive des situations de dépendance.

Tel est donc l’objet de l’article 1143 du Code civil qui énonce qu’« il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».

Compte tenu des standards juridiques qu’elle utilise, il faudra toutefois quelques années de pratique jurisprudentielle pour que la portée réelle de ce texte soit dévoilée7, et ce d’autant que l’article 1143 du Code civil fait l’objet d’une controverse en doctrine.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°1 =

État de dépendance : l’article 1143 du Code civil était censé introduire, par le biais de la notion de violence, une protection des personnes vulnérables, au moins si l’on en croit le rapport de présentation de l’ordonnance du 10 février 20166. Le texte initial de l’ordonnance du 10 février 2016 n’était pas si clair qui visait exclusivement « l’état de dépendance », sans autre précision. Or, la dépendance peut recevoir deux définitions.

Au sens large, la dépendance est un synonyme de fragilité ou de faiblesse. On pense ainsi aux personnes âgées par exemple. Au sens au strict, au contraire, l’état de dépendance vise la situation d’une personne qui a perdu son autonomie par rapport à une autre, la dépendance pouvant, par exemple, être économique, ou affective.

Autant dire que les personnes psychologiquement fragiles, les malades ou les personnes âgées, quoique vulnérables, ne sont pas nécessairement dans un état de dépendance au sens strict !

C’est cette seconde acception qui a été choisie par les Parlementaires.

À l’occasion de la loi de ratification du 20 avril 2018, ils ont légèrement modifié l’article 1143 en précisant que la dépendance devait s’apprécier « à l’égard » du cocontractant. Cette modification, subtile, n’est pas anodine puisqu’elle a pour effet de consacrer l’acception stricte de la dépendance. Cette modification étant déclarée interprétative, elle s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016.

Mais la jurisprudence n’est, pour l’instant, pas clairement fixée. Il n’y a eu aucun arrêt à hauteur de cassation sur cette question.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°2 =

Avantage manifestement excessif : la situation de dépendance de la victime ne suffit pas à caractériser la violence. Il est nécessaire que l’autre partie ait obtenu un avantage manifestement excessif : tous ceux qui contractent avec des personnes fragiles ne sont pas nécessairement malhonnêtes... La violence de l’article 1143 du Code civil est donc constituée si le cocontractant a profité de la contrainte qui pèse sur l’autre partie pour « obtenir un avantage manifestement excessif ». D’un point de vue moral, on peut peut-être regretter que le législateur ait entériné la possibilité d’abuser de la dépendance d’une personne pour en tirer profit. En effet, seul le profit « manifestement excessif » est susceptible d’être sanctionné, ce qui laisse tout de même une certaine marge aux cyniques.

La réalité et la qualité du consentement - la qualité du consentement - l'abus de dépendance - conditions n°3 ? =

Une question importante est toutefois posée.

Faut-il, en guise de troisième condition, démontrer que cet avantage a été obtenu par un « abus » ?

Autrement dit, faut-il prouver, de manière autonome, l’existence d’un abus, qui constituerait une troisième condition de fond, à côté de l’état de dépendance et de l’avantage manifestement excessif ? Telle n’était pas l’intention du législateur qui a considéré que l’abus découlerait nécessairement de l’existence d’un avantage manifestement excessif. En d’autres termes, de la preuve d’un avantage manifestement excessif découlerait nécessairement celle de l’abus.

Toutefois, certains auteurs, faisant une interprétation littérale de l’article 1143 du Code civil, estiment qu’il faudrait démontrer que le comportement de la partie qui a obtenu un avantage manifestement excessif était « abusif », la preuve du déséquilibre ne suffisant pas.

Dans un arrêt du 9 décembre 2021 (n° 20-10.096), rendu sous l’empire du droit ancien, la Cour de cassation a décidé qu’il suffisait, pour caractériser une violence, de démontrer un état de dépendance et un avantage excessif, sans mentionner la preuve de l’abus. Cet arrêt pourrait préfigurer la future interprétation de l’article 1143 du Code civil. Toutefois, un autre arrêt pourrait laisser entendre qu’il faut la démonstration autonome d’un abus : Com. 10 juillet 2024, n° 22-21.947.

La réalité et la qualité du consentement - conclusion. 

Conclusion : Le contrôle du consentement au contrat est double. Il vise, dans un premier temps, à permettre de s’assurer que le consentement est réel, c’est-à-dire qu’il a été émis par une personne apte à consentir. Pour contracter, il faut en effet être sain d’esprit.

Il vise, dans un second temps, à vérifier l’intégrité de ce consentement, c’est-à-dire que le consentement est exempt de vice. Les vices envisagés par le Code civil sont cependant limités, afin de ne pas trop fragiliser le contrat et, partant, la sécurité juridique.

  • -  Le consentement doit ainsi être lucide, c’est-à-dire donné en connaissance de cause. Le droit positif permet ainsi de remettre en cause le contrat auquel il n’a été consenti que par erreur, soit que cette erreur ait été spontanée, auquel cas toutes les erreurs ne sont pas prises en compte, soit que cette erreur ait été provoquée par un dol. Dans cette dernière hypothèse, peu importe alors la nature de l’erreur (sauf pour la réticence dolosive qui ne peut porter sur la valeur de la prestation).

  • -  Le consentement doit également être donné librement, ce qui autorise l’annulation des conventions passées sous la menace ou sous l’empire d’un état de dépendance ;

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